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tecture déclinait non-seulement en Portugal, mais dans presque toute l’Europe. On y voit ce mélange absurde du style italien de la décadence avec des fragments de gothique et de malencontreuses imitations de l’antique, le tout sans entente de l’art et comme l’imaginaient les académies créées pour soutenir sa marche chancelante. La péninsule espagnole est chargée encore d’une foule de ces malheureuses créations de la même époque ; elles y font un triste contraste avec les chefs-d’œuvre des temps plus anciens. Il faut ranger dans cette catégorie Mafra elle-même, quoique les Portugais aient l’extravagance de la comparer à l’Escurial, et cependant les mines et les laboratoires de Villa-Rica ont fourni pour cette construction des sommes immenses. Il était tout naturel que les artistes qui ont quitté la métropole pour les colonies ne fussent pas précisément les meilleurs ; cela explique comment les édifices les plus vastes et les plus riches du Brésil sont dépourvus de beauté. Quant à Villa-Rica, une chose remarquable, c’est qu’il n’y a pas de couvens : leur absence surprend le voyageur qui ne sait pas que sous le ministère du marquis de Pombal la province de Minas Geraes fut interdite à tous les ordres religieux.

La population de Villa-Rica est d’environ 9000 âmes ; les noirs et mulâtres y sont pour la plus forte partie, et il n’y a que peu de Portugais ou d’autres Européens ; ce sont les employés et les négocians qui sont assez nombreux et jouissent d’une grande aisance. Le commerce y est fort important : l’or, les topazes, les cristaux abondent dans toute la contrée, et surtout à Queluz et à Congonha do Campo. Mais l’exportation s’étend à bien d’autres objets ; car Villa-Rica est le principal marché de la province, et c’est de là que partent les laines, les peaux de bêtes, les fromages, les viandes salées, le lait, les chapeaux de feutre et la poterie. Il arrive et il s’en va tous les jours des caravanes (tropas) ; elles emportent ces marchandises dans les ports et surtout à Rio-Janeiro, d’où elles reviennent avec les produits de l’industrie européenne, du sel, des vins, des noirs. De Villa-Rica ces objets sont conduits à l’intérieur du pays, par exemple à Serra-Fria, Goyaz, Matto grosso, et on les y échange contre les productions du pays que nous venons d’énumérer. Les différentes routes qui servent à ce trafic sont au surplus fort mauvaises ; elles se dirigent, savoir : par Barbacena sur Rio-Janeiro[1], par San Jao d’El Rey à San Paulo, par Minas Novas à Bahia. Plus loin vers l’intérieur, on passe par Inficionado et

  1. Il est un chemin plus court par Serra Mainarde, Mar d’Espanha (Parahyba) jusqu’à Rio-Janeiro. On l’appelle Estrado do Matto d’Entro, parce qu’il passe continuellement à travers des forêts vierges, habité par des Puris, des Coroatos, des Botocudos et des Patachos.