VOYAGE PITTORESQUE
DANS LE BRÉSIL.
Ce que nous avons dit dans les cahiers précédens sur l’état des esclaves au Brésil, fait connaître assez qu’ils ne sont pas aussi malheureux qu’on se l’imagine généralement en Europe. Peut-être même y a-t-il lieu de craindre que notre pensée n’ait été mal saisie en effet, notre impartialité pourrait avoir donné des idées trop favorables de l’esclavage à ceux qui ne jugent que d’après les impressions des sens, ou à ceux qui ne voient qu’un côté des choses. Il ne serait pas impossible que ce que nous en avons dit les eût même rangés parmi les défenseurs de l’esclavage. Il est beaucoup d’Européens qui, une fois venus dans le pays, trouvent qu’on dépeint de couleurs fort exagérées la situation des esclaves ; et tout aussitôt ils changent d’idée et deviennent des esprits forts. Ce qui contribue beaucoup à rendre la position des esclaves tolérable, c’est que les Nègres, semblables aux enfans, jouissent de l’heureuse faculté de goûter les plaisirs du moment sans éprouver aucun souci du passé ni de l’avenir ; et il faut très-peu de chose pour les jeter dans une joie poussée jusqu’à l’étourdissement et l’ivresse.
On dirait qu’après les travaux de la journée les plaisirs les plus bruyans produisent sur le Nègre le même effet que le repos. Dans la soirée il est rare de voir plusieurs esclaves assemblés sans que leurs groupes s’animent par des chants et des danses ; l’on a peine à croire qu’ils aient pendant toute la journée exécuté les ouvrages les plus pénibles, et l’on ne peut se persuader que ce sont des esclaves qu’on a sous les yeux.
La danse habituelle des Nègres est la Batuca. Dès qu’il y en a quelques-uns d’assemblés, l’on entend des battemens de mains cadencés ; c’est le signal par lequel ils s’appellent et se provoquent en quelque sorte à la danse. La Batuca est conduite par un figurant ; elle consiste en certains mouvemens du corps, qui peut-être sont trop expressif ; ce sont surtout les hanches qui s’agitent : tandis que le danseur fait claquer sa langue, ses doigts, et s’accompagne d’un chant assez monotone, les autres forment cercle autour de lui et répètent le refrain.
Une autre danse nègre, très-connue, est le Zanda, usité aussi chez les Portugais ;