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par des gens aisé. À cet égard les personnes les plus considérées ne pourraient rejeter leur demande sans exciter un mécontentement général. Ces rapports, loin de les faire déroger, sont, grâces aux idées religieuses du peuple et à l’influence du clergé, regardés comme fort méritoires. Le petit esclave est à peu près assuré par cela même que son parrain le rachètera ; ce qui est d’autant plus aisé, que le prix d’un petit Nègre est fort peu de chose et dépasse rarement 60 à 80 piastres.

Trés-souvent les blancs qui ont procréé des enfans avec une femme esclave, les achètent à leurs maîtres et leur donnent la liberté. Enfin, il arrive fréquemment que, pour les récompenser de la bonne conduite qu’ils ont tenue pendant longtemps, les esclaves sont affranchis par leurs maîtres eux-mêmes ; c’est surtout dans les testamens que la liberté leur est donnée : il est bien rare que le propriétaire d’une grande plantation et de beaucoup d’esclaves n’affranchisse pas quelques-uns d’entre eux, soit par acte de dernière volonté, soit à l’occasion de toute autre solennité. Ces usages et ces facilités accordées à la liberté, augmentent chaque année le nombre des Nègres libres du Brésil. Leur population est maintenant de 159 500 âmes c’est à peu près le douzième du nombre des esclaves (1 987 500) : la moitié des hommes de couleur libres (416 000) ; le cinquième des blancs (845 000), et enfin le vingt-cinquième de la totalité de la population.

Au premier coup d’œil cette proportion pourrait paraître peu favorable à l’espérance d’un affranchissement progressif ; mais il en sera tout autrement, si l’on considère qu’il faut bien peu de générations pour détruire la couleur noire dans la population libre, à raison des mariages réciproques entre Nègres et hommes de couleur, et par suite des relations fréquentes des Négresses libres avec les hommes de couleur et même avec les blancs. Souvent même la couleur noire disparaît chez leurs enfans ou petits-enfants, en sorte que les descendans des Nègres libres, au lieu d’augmenter la population noire, se perdent insensiblement dans la masse des hommes de couleur ; il s’ensuit qu’en choisissant telle ou telle époque donnée, le nombre des Nègres libres ne renfermera, à proprement parler, que ceux qui ont obtenu leur liberté dans les années précédentes, et tout au plus les enfans de la précédente génération, tandis que les enfans de la génération antérieure sont déjà rangés pour la plupart parmi les hommes de couleur.

La position des Nègres libres présente beaucoup de différences, selon le plus ou moins de bonheur et de zèle qui leur acquièrent quelque fortune. Il y en a de fort aisés ; mais il est rare de trouver au Brésil des Nègres riches comme il s’en rencontre quelquefois dans les Indes occidentales.