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sont à l’avantage des esclaves ; à peine si l’on connaît son existence, il est rare, ou plutôt il n’arrive jamais que les esclaves l’invoquent, soit qu’ils l’ignorent, soit qu’ils sachent fort bien qu’ils n’en tireront pas grand secours, car il faut déjà un hasard bien heureux pour leur donner la possibilité de porter leur plainte aux tribunaux supérieurs. Il est encore bien plus difficile de la soutenir contre leurs maîtres, qui ont mile moyens de retarder la décision ou même de faire rejeter la demande, et de faire expier à l’esclave sa téméraire entreprise, en lui faisant éprouver toutes sortes de vexations et en l’intimidant. En cela, comme en toute autre chose, l’esclave dépend donc uniquement du caprice du maître, et si celui-ci, soit méchanceté, soit entêtement, soit par d’autres motifs, ne veut pas lui vendre sa liberté, la position de l’esclave devient d’autant plus dure qu’il voit s’anéantir le fruit de longues années de travail et d’économie. Il est replongé dans l’esclavage au moment même où il se croit sûr de sa liberté et tout en conservant en mains les moyens de la récupérer : outre l’amertume causée par l’espérance déçue, il lui faut supporter les suites de la méfiance et de la colère de son maître. Toutefois ces exemples sont rares : un maître ne peut guère avoir de raison pour refuser la liberté à un esclave ; car après un refus il n’y a plus de fond à faire sur lui : désormais il travaille avec dégoût, et saisit la première occasion de s’enfuir : s’il n’y parvient, il finit par s’ôter la vie, et dans tous les cas le maître ne tire plus d’avantages du travail de l’esclave ainsi retenu dans la servitude. L’opinion publique, particulièrement dans les classes inférieures, se prononce d’une manière bien forte, et fait sentir à l’auteur de ce refus toute son animadversion. L’influence du clergé a eu sur ce point, comme sur toute autre matière, des conséquences très-salutaires ; il protège si ouvertement la liberté des esclaves, que cela suffirait pour empêcher que l’on y opposât des obstacles fréquens. Néanmoins quand ces refus ont lieu, ils frappent ordinairement les esclaves les plus habiles et les plus laborieux, ceux qui sont réellement devenus indispensables. Après avoir été pendant de longues années les surveillans d’une plantation, après avoir possédé toute la confiance de leur maître et s’être élevés à un certain degré d’aisance qui semblait ne rien laisser à désirer, on en a vu retomber tout à coup dans un état d’abaissement tel que les mauvais traitemens étaient nécessaires pour les contraindre à la continuation de leurs travaux, et cela parce que l’apparence de la liberté ne leur suffisait pas, et qu’ils avaient insisté pour obtenir leur affranchissement.

Au Brésil il est pour beaucoup de Nègres un autre moyen de parvenir à la liberté ; c’est l’usage où sont les Négresse de faire tenir leurs enfans sur les fonts de baptême