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VOYAGE PITTORESQUE

DANS LE BRÉSIL.

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MŒURS ET USAGES DES NÈGRES.


Nous avons, par les précédens cahiers, donné quelques notions sur l’état des Nègres dans les plantations ; nous allons faire connaître quelles sont dans les villes la position et la manière de vivre de ces esclaves, car sous beaucoup de rapports il y a des différences très-prononcées entre leur sort et celui des autres. Une grande partie de la population de Rio-Janeiro est au service domestique des grands et des riches : c’est un article de luxe, qui se règle bien plus sur la vanité du maître que sur les besoins du ménage. Ces esclaves portent des livrées la plupart d’un genre fort antique, et ces livrées, jointes aux bourses de leurs coiffures, en font de véritables caricatures. Ils ont peu d’ouvrage, ou même ils n’en ont point du tout ; leur nourriture est fort bonne ; en un mot, ce sont des êtres tout aussi inutiles que les valets des grands seigneurs d’Europe, dont ils imitent les vices avec une grande facilité. La plupart des esclaves des grandes villes sont assujettis à payer toutes les semaines, ou même tous les jours, à leurs maîtres une somme déterminée, qu’ils tâchent de se procurer par l’exercice d’une profession ; ils sont menuisiers, cordonniers, tailleurs, mariniers, porte-faix, etc. Ils peuvent de la sorte gagner aisément au-delà de ce que leur maître exige ; et pour peu que ces esclaves mettent d’économie dans leurs affaires, ils parviennent, sans beaucoup de difficulté, à racheter leur liberté dans l’espace de neuf à dix ans. Cependant cela n’arrive pas aussi souvent qu’on aurait lieu de le croire, et cela parce que les Nègres ont des dispositions à se laisser entraîner aux plus folles dépenses, surtout en fait de vêtemens, d’étoffes de couleurs voyantes et de rubans : ils dissipent en ce genre à peu près tout ce qu’ils gagnent. Ils jouissent en général de beaucoup de liberté, et leur existence est fort supportable, car ils ont toute la journée pour vaquer à leurs affaires, pourvu qu’ils rentrent le soir ; leurs maîtres ne s’inquiètent d’eux qu’autant qu’il le faut pour s’assurer la redevance hebdomadaire. Le matin avant leur départ, et le soir après leur retour, on leur donne de la farine de manioc et des féves ; mais ils doivent