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de là, il voit dans tout un sujet de spéculation ; et même il est loin d’avoir pour sa propriété, sa plantation, ses esclaves, les soins et l’attachement naturel de l’indigène, qui espère les transmettre un jour à ses enfans, tandis que l’unique affaire de l’autre, c’est de faire le plus de profit qu’il le pourra dans le plus court délai possible, sans aucunement s’inquiéter de ce qui pourra en résulter à l’avenir : aussi les esclaves de ces hommes sont-ils presque toujours abîmés sous des travaux excessifs. Il faut y ajouter que, par les mêmes raisons, ces étrangers se soucient peu de l’opinion publique, ou de ce qu’ils appellent les préjugés religieux des Brésiliens ; ils mettent même une sorte de fierté à les mépriser, de sorte que rien ne peut sauver les esclaves de leur insatiable cupidité et de leur froide cruauté. Malheureusement les Européens du Nord surpassent encore les Portugais en ce genre.

La position des esclaves dépend beaucoup aussi du genre de culture qui est la principale occupation dans la plantation à laquelle ils appartiennent ; par exemple, la situation des esclaves est bien plus pénible quand il s’agit de fonder de nouvelles plantations appelées roças, que dans celles qui sont déjà organisées, surtout quand on fonde ces nouvelles plantations à une grande distance des contrées habitées ; car, dans ce cas, les esclaves sont exposés à toutes les intempéries du climat et de la température que présentent, par exemple, les marais ; car ils n’ont d’autre abri que des huttes de branches d’arbres, et, de plus, ils souffrent des privations de tous les genres. Ici le danger des animaux féroces, des serpens venimeux, des insectes mal-faisans est encore bien plus grand. C’est dans les plantations du clergé ou des couvens que les esclaves sont le mieux traités. La régularité des occupations est déjà un adoucissement au travail, qui ne leur est imposé que dans une proportion fort modérée, et le plus souvent leur nourriture est abondante. On instruit les enfans des esclaves à chanter à l’église, et on leur donne quelque peu de notions de catéchisme. Tous les soirs à sept heures les travaux cessent ; puis on réunit les esclaves pour leur faire chanter un cantique et réciter un chapelet. Outre les dimanches et les fêtes, on leur accorde encore le samedi pour travailler pour leur propre compte, si bien que la plupart acquièrent assez d’économies pour racheter leur liberté. Dans ce cas, ou lorsque l’esclave meurt, on lui permet de léguer son petit champ à qui bon lui semble, quoiqu’il n’y ait absolument aucun droit de propriété. Jusqu’à l’âge de douze ans, les enfans ne sont tenus à aucun travail, si ce n’est à nettoyer les haricots destinés à la nourriture des esclaves, ou les graines qu’on veut semer, ou bien ils gardent les bestiaux et font les menus ouvrages de la maison. Plus tard, les filles filent de la laine, tandis qu’on emmène les garçons aux champs. Lorsqu’un enfant fait paraître des dispositions