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suites possibles de cet ordre de choses, soit en attribuant aux lois rendues en faveur des esclaves une influence très-grande ou très-favorable. Ces deux défauts se trouvent fréquemment dans les auteurs qui n’ont pas eu l’occasion de voir les choses de leurs propres yeux.

Ce qui importe le plus, c’est le caractère du surveillant des esclaves ou feitor : le fouet à la main, il conduit les esclaves au travail, et c’est lui qui les surveille immédiatement toute la journée. Ce qui nous révolte surtout dans ce malheureux système, c’est cette affreuse pensée, de soumettre l’homme comme la bête à l’action du fouet. Quoiqu’en thèse générale il soit vrai, comme le prétendent les défenseurs de l’esclavage, que le fouet est plutôt dans la main du feitor le symbole de la puissance, et qu’il ne s’en sert ni pour forcer le Nègre au travail, ni pour le punir arbitrairement, il n’en est pas moins vrai, non plus, que ce surveillant ne peut être empêché d’appliquer le fouet que par la présence ou la volonté du maître, et qu’il n’est point possible qu’un homme grossier, cruel, vindicatif, ne fasse point abus de son pouvoir ; les exemples constatés de ces abus de pouvoir ne sont d’ailleurs que trop fréquens. Dans l’état actuel des choses, et jusqu’à ce que l’esclavage ait été supprimé, ou que, du moins, l’on ait mis des bornes légales à l’arbitraire du maître ou du feitor, l’un des premiers et des plus importans devoirs du maître est d’apporter un grand soin dans le choix de ce feitor. En général, on peut se fier aux feitors qui sont esclaves eux-mêmes, bien plus qu’aux autres, parce qu’ils dépendent eux-mêmes entièrement du maître ; mais c’est précisément sur eux qu’il faut que le maître veille plus particulièrement, afin qu’ils ne se montrent pas trop sévères envers leurs compagnons de servitude. On prend aussi pour feitors des Brésiliens ou des mulâtres libres, et ordinairement c’est sous leur direction que les esclaves se trouvent le mieux, tandis que les feitors européens sont les plus durs. Un fait que l’expérience de tous les jours confirme, c’est que les Européens, dans quelque rapport qu’ils se trouvent avec les esclaves, sont ceux qui aggravent le plus leur position, et, sans vouloir excuser cette déshonorante distinction, on pourrait l’expliquer, d’une part, en ce que les Européens apportent dans ces contrées plus d’orgueil et de préjugés ; de l’autre, en ce que la plupart de ceux qui s’établissent au Brésil, et surtout ceux qui entreprennent des plantations, ou qui louent leurs services pour être feitors, ne sont que des spéculateurs, dont le but est de s’enrichir dans le plus court délai possible, et de retourner en Europe avec leur bénéfice. Il en est beaucoup qui ont quitté leur patrie pour des raisons qui ne leur font point honneur, et nul d’entre eux ne se sent attaché au pays, ni à ses habitudes, par un lien quelconque : loin