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entassés dans un réduit dont la hauteur excède rarement cinq pieds. Ce cachot comprend toute la longueur et toute la largeur de la cale du vaisseau : on les y entasse au nombre de deux ou trois cents, de telle sorte qu’il y a tout au plus cinq pieds cubes pour chaque homme adulte et même des rapports officiels soumis au parlement au sujet de la côte du Brésil, ne permettent pas de douter que dans la cale de plusieurs bâtiments l’espace disponible pour chaque individu ne se trouve réduit à quatre pieds cubes, et la hauteur de l’entrepont n’y excède pas non plus quatre pieds. Les esclaves y sont entassés contre les parois du navire et autour du mât ; partout où il y a place pour une créature humaine, à quelque position qu’il faille la contraindre, on ne manque pas d’en profiter. Le plus souvent les parois sont entourées à moitié de leur hauteur d’une sorte de rayons en planches, sur lesquels gît une seconde couche de corps humains. Tous, et principalement dans les premiers temps de la traversée, ont les fers aux pieds et aux mains, et de plus ils sont liés les uns aux autres par une longue chaîne.

Joignons à cette déplorable situation la chaleur brûlante de l’équateur, la fureur des tempêtes, et cette nourriture inaccoutumée de fèves et de viandes salées, enfin, le manque d’eau, conséquence presque inévitable de la cupidité laquelle on fait emploi du plus petit espace pour rendre la cargaison plus riche, et nous comprendrons pourquoi il règne une si grande mortalité à bord des vaisseaux négriers. Souvent il arrive qu’un cadavre reste plusieurs jours parmi les vivants. La privation de l’eau est la cause la plus fréquente des révoltes des Nègres ; mais à la moindre apparence de sédition on ne distingue personne ; on fait d’impitoyables décharges d’armes à feu dans cet antre encombré d’hommes, de femmes et d’enfans. On a vu, dans l’excès de leur désespoir, des Nègres se lancer furieux sur leurs voisins, ou déchirer en lambeaux sanglans leurs propres membres.

Il ne faut pas oublier que nous ne peignons point ici de rares exceptions, que c’est l’état habituel des bâtiments négriers, que tel est le sort ordinaire des cent vingt mille Nègres que l’on exporte annuellement pour le seul Brésil, enfin que, les choses fussent-elles arrangées pour le mieux, un retard de quelques jours dans la traversée peut avoir les plus terribles résultats. Nous ne citerons ici aucun des nombreux traits d’inhumanité recueillis tous les ans par les croisières anglaises ou par les agens de la société africaine : cela serait absolument inutile.

On ne fait faire de quarantaine régulière aux vaisseaux négriers ni à Rio-Janeiro ni dans aucun autre port du Brésil ; il n’y a d’ailleurs aucune institution spéciale à cet effet. Quelquefois on les oblige à rester plusieurs jours à l’ancre soit dans la