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VOYAGE PITTORESQUE

DANS LE BRÉSIL.

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MŒURS ET USAGES DES NÈGRES.


Une chose incontestable, c’est que beaucoup d’hommes d’un grand mérite ont écrit sur l’esclavage des Nègres, sans posséder cependant sur cette matière les connaissances exactes qu’ils auraient pu acquérir, soit en voyant les choses par eux-mêmes, soit en examinant du moins avec précaution les rapports d’autrui. Les tableaux chargés ou infidèles qu’ils nous ont faits du malheureux état des Noirs, ont nui à la bonne cause dont ils voulaient assurer le succès ; car le public, averti de l’inexactitude de quelques points, s’est repenti d’avoir fait une si grande dépense de pitié. Avec son défaut ordinaire de mesure et de discernement, il a de suite accordé son approbation aux rapports de ceux que faisait parler l’intérêt, ou qui voulaient se donner une réputation d’esprits forts, en affirmant que l’esclavage n’a rien de pénible ; que non-seulement le sort des Nègres est le seul pour lequel la nature les ait faits, mais encore qu’ils sont tellement heureux que, si les Européens de la classe ouvrière le savaient, il pourrait bien en résulter une concurrence fâcheuse pour les Noirs. Il y avait d’autant plus lieu de s’attendre à ce résultat, que la pitié, chez la plupart des hommes, n’est qu’une impression sensitive, qui a ses jouissances comme la crainte des revenans. Quoiqu’il soit vraisemblable qu’en exposant l’état des Nègres du Brésil sans prévention et sans passion, nous ne contenterons ni les ames compatissantes ni les esprits forts ; nous ne pouvons nous écarter de notre devoir, qui est de rapporter fidèlement ce que nous avons vu.

Il est un fait sur lequel sont d’accord tous ceux qui s’y connaissent et qui ont observé sans prévention : c’est que les esclaves des possessions espagnoles et portugaises du Nouveau-Monde sont infiniment mieux traités que ceux des colonies des autres nations européennes ; leur sort est surtout bien préférable à celui des Nègres des colonies anglaises dans les Indes occidentales. Cette particularité s’explique d’abord en ce qu’il y a entre le caractère des peuples du Nord et celui des peuples méridio-