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sait dès-lors que les États de Hollande trouveraient dans le Portugal un allié naturel contre l’Espagne, et de fait, le nouveau roi, n’étant pas encore bien assuré sur son trône, se vit obligé de conclure une trêve de dix ans, en assurant aux Hollandais la possession de leurs conquêtes au Brésil. Mais les Hollandais eux-mêmes violèrent cette convention par leur attaque imprévue sur Maranham. Vers le même temps Maurice de Nassau fut rappelé par les chefs ombrageux de la République, et l’administration des provinces conquises fut confiée à trois commissaires ; mais bientôt ces commissaires portèrent l’exaspération des habitans à son comble par des vexations de tout genre et même par leur intolérance religieuse. Le gouvernement sage et fort de Maurice n’avait pas donné lieu à ce genre de plaintes. Alors un jeune homme, Fernandez Vieira, entreprit de délivrer sa patrie. Il appartenait à une famille considérée et possédait de grandes plantations dans la province. Déjà il s’était distingué dans divers combats contre les Hollandais, et notamment à la prise d’Olinda, où il avait avec trente-sept compagnons et pendant six jours défendu contre toutes les forces ennemies le fort Saint-Georges, qu’il ne rendit qu’à des conditions très-honorables, et en rejetant avec un noble dédain la condition de ne jamais porter les armes contre les Hollandais. En 1645 il conçut le plan de s’emparer de la capitale de la province : se voyant trahi et dénoncé, il prit sur-le-champ la résolution de se dérober aux conséquences de son action, en se révoltant ouvertement. A la tête d’une petite troupe fort mal armée, il attaqua les Hollandais. Grâce à son inébranlable courage, à sa sagesse profonde, à son brûlant amour de la patrie, il réussît à communiquer son enthousiasme à ses compatriotes, et quoique la supériorité de l’ennemi lui fît essuyer quelques revers, les flammes de l’insurrection se répandirent sur toute la province de Pernambuco et sur les contrées voisines. Vieira fut l’âme de toutes ces entreprises ; ses richesses servaient à l’armement, à la nourriture des patriotes ; sans hésiter il jeta lui-même la torche dans ses plantations, pour que l’ennemi n’en pût tirer parti. D’abord les entreprises de Vieira ne furent point appuyées par le gouvernement portugais ; le roi lui ordonna même formellement de poser les armes. « Quand j’aurai, répondit-il, reconquis pour le roi, mon maître, l’une de ses plus belles provinces, je recevrai de ses mains la punition de ma désobéissance. » Cependant le vice-roi Vidal, dont la résidence était à Bahia, lui envoya de temps à autre de faibles secours. La Hollande arma une flotte pour sauver sa conquête ; cette circonstance, jointe aux victoires de Vieira, détermina enfin le gouvernement à reconnaître formellement son entreprise et à envoyer quelques troupes à Pernambuco sous le commandement de Francisco Baretto de Menezes.