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feuilles après la récolte, surtout en ce qui concerne la dessiccation. À les entendre, on n’a pas eu assez de soin dans le choix des Chinois qu’on a fait venir pour cette culture. On comprendra aisément combien il importe que ce choix ne porte que sur des Chinois qui dans leur patrie se sont déjà livrés à la culture du thé et en ont acquis l’expérience. En agir autrement, serait tomber dans l’absurde ; ce serait comme si l’on faisait venir au Brésil un paysan du Holstein pour y introduire la culture de la vigne. Quelque ridicule, quelque nuisible que doive être une pareille balourdise, il ne paraît pas néanmoins qu’on l’ait évitée entièrement.

Le nombre des Chinois établis près du Lagoa de Rodrigo Freitas et à la plantation de Santa Cruz est d’environ trois cents, et dans ce nombre il n’y en a que fort peu qui se livrent à la culture du thé ; il y a parmi eux beaucoup de courtiers et de cuisiniers. Les Chinois s’accommodent fort bien du climat du Brésil, et plusieurs d’entre eux s’y sont mariés. On pourrait se demander s’il ne serait pas d’un grand avantage pour le pays d’avoir de plus grandes colonies de Chinois, si le gouvernement ne devrait pas en favoriser l’établissement ? Ce qui appelle une sérieuse attention sur cet objet, c’est le succès toujours croissant des colonies de cette nation dans les possessions anglaises de l’Australie.

Nous ne terminerons pas cette courte esquisse sur les mœurs des habitans de la capitale du Brésil et de ses environs, sans dire quelques mots de ce qu’il y a de plus agréable dans leurs habitudes : nous voulons parler de la manière dont les habitans les plus aisés vivent à la campagne. On imaginerait difficilement quelque chose de plus attrayant que ces maisons éparses, que l’on voit principalement au sud de la ville, sur le rivage de Catete et Botafogo, puis sur le penchant de la montagne et dans les vallées qui s’ouvrent vers la baie. Il en est une surtout qui, remarquable déjà et par sa situation et par le goût qui règne dans son architecture, mérite encore d’être distinguée, parce qu’elle a été long-temps la résidence d’un homme qui s’était sauvé sur ce rivage hospitalier pour échapper à l’immense naufrage de notre siècle. Là, au milieu de la végétation vigoureuse du Nouveau-Monde, il rappelait le pilote qui, nouveau Prométhée, gémissait attaché à la roche dépouillée. Puissent tous les infortunés, sur lesquels la vieille Europe exercera désormais le droit de bris et de naufrage, trouver dans le Nouveau-Monde un avenir doux.