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comme telles ; mais quand les émigrans ajoutent foi aux mensonges des agens inférieurs et des rédacteurs, c’est leur propre faute s’ils se voient trompés dans leur attente ; et d’autant plus qu’ils ne manquent pas à cet égard d’avertissemens des autorités de leur pays. Quiconque va au Brésil pour y faire fortune rapidement et sans peine, quiconque y arrive sans argent et sans capacité, se fiant uniquement aux secours qu’il attend du gouvernement, court à une perte certaine. Au contraire, lorsque l’on part avec la ferme résolution de consacrer quelques années à un travail assidu et de renoncer à tout ce qui n’est pas de première nécessité ; lorsqu’on est capable d’exécuter ce projet ; enfin, lorsqu’on fait abnégation des idées et surtout de l’orgueil européen, et qu’on ne craint point de demander des instructions aux indigènes, on peut se tenir assuré, qu’à moins de malheurs extraordinaires, on aura conquis pour soi et pour les siens une position au-dessus du besoin. Le travail soutenu peut conduire même à l’aisance, rarement ou jamais à la richesse. On conçoit que pour cela même il faut un petit capital, surtout pour le campagnard, qui paie ordinairement son expérience assez cher avant d’avoir accommodé ses idées européennes au pays où il est. L’avenir de l’ouvrier est plus favorable, car on paie son travail fort cher ; mais, d’un autre côté, il est exposé à des tentations plus grandes de dissiper ce qu’il a facilement gagné, et de s’abandonner à l’influence du climat et aux séductions des ports de mer. Le choix des cantons est aussi d’une grande importance pour les nouveaux colons ; car pour la plupart d’entre eux l’une des principales causes de ruine est de s’être établis dans les régions humides des côtes, où la nature sévère des tropiques ne tarde pas à les abattre, tandis que les provinces de l’intérieur, qui sont plus élevées, conviennent mieux à la culture européenne, et notamment San Paulo. Pendant que nous cherchons à prouver que ces sortes d’entreprises peuvent réussir, il nous faut encore ajouter ce conseil, que quiconque en Europe conserve l’espérance de gagnée son pain à la sueur de son front, y demeure et se contente de ce qu’il a.

L’essai tenté par le gouvernement, d’introduire au Brésil la culture du thé au moyen d’une colonie de Chinois, mérite une mention particulière. À la vérité, cette tentative n’a eu jusqu’à présent que des résultats insignifians ; mais les résultats ne pouvaient pas être fort grands en aussi peu de temps. Il n’y a d’ailleurs aucune raison de désespérer de la réussite des entreprises de ce genre. Les conséquences heureuses que peut amener la culture du thé au Brésil, l’influence qu’elle peut exercer sur le commerce du monde entier, sont telles, qu’on trouverait difficilement un sujet plus digne des méditations du gouvernement. Que l’on veuille bien considérer