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plus fréquente, ses conséquences se présentent beaucoup plus souvent chez les esclaves et davantage encore chez les Indiens, pourvu qu’ils trouvent l’occasion de prendre part à ces fêtes, ce qui est d’autant plus aisé qu’on y exerce l’hospitalité la plus étendue ; car les frais de la fête sont supportés à tour de rôle, tantôt par un, tantôt par plusieurs des plus riches colons. C’est l’ecclésiastique du lieu qui les désigne, et ils tiennent ce choix à grand honneur.

Pour faire goûter les bienfaits de l’Église aux plantations les plus lointaines et les plus solitaires, ainsi qu’aux esclaves qui les habitent, il est des prêtres qui à certaines époques de l’année parcourent le pays avec un petit autel, qu’ils placent devant eux sur leur cheval ou sur leur mulet. Au moyen d’une légère rétribution, ils disent la messe dans les maisons des colons et des pâtres. Il y a une autre espèce de prêtres errans, qui ne sont pas néanmoins des plus considérés ; ce sont des hermites, qui bâtissent une cabane dans un endroit sauvage quelconque, pour y exposer à la vénération des croyans une relique qu’ils sont parvenus à se procurer. Si les pèlerins ne viennent pas, ils parcourent le pays, et quoiqu’ils reçoivent en l’honneur de leur saint des aumônes considérables, ils ne paraissent pas se fier entièrement à sa protection, et se munissent le plus souvent de moyens de défense très-matériels. Lorsqu’un de ces dignes frères monte un bon cheval ou un mulet, et que, sa cassette de reliques sous le bras, il paraît armé d’un fusil, de pistolets et d’un large couteau de chasse, cet extérieur n’est pas précisément très-propre à inspirer la piété à ceux qui le rencontrent : la peur et la défiance sont plus naturelles en cette occasion, et ces sentimens, très-opposés à celui de la piété, pourraient n’être pas toujours dénués de fondement.

Les facendas de criaz ou les pâturages sur les collines dépouillées de forêts des hautes régions de l’intérieur, méritent qu’on en fasse une mention particulière. Les plus remarquables sont ceux des provinces de San Paulo et de Minas Geraes. Ceux qui appartiennent à un même propriétaire ont souvent une étendue de plusieurs legoas, et souvent aussi le nombre du bétail, soit en chevaux, soit en bêtes à cornes, s’élève à plusieurs milliers. Cependant il est rare que les grands propriétaires de troupeaux habitent ces facendas ; ils en abandonnent le soin à un fermier, qui partage avec eux les produits dans une proportion donnée. Ce genre d’industrie est très-lucratif, le propriétaire ne pouvant connaître au juste ses affaires. La garde des troupeaux est l’affaire d’un pâtre supérieur (vaqueiro) et de plusieurs valets (piâes) : néanmoins ils sont tous libres. On se sert fort peu d’esclaves dans ces contrées, et on ne les emploie qu’aux petits ouvrages domestiques.

La vie de ces vaqueiros est encore plus retirée, plus grossière que celle des