Page:Rugendas - Voyage pittoresque dans le Brésil, fascicule 14, trad Golbéry, 1827.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 34 )

on s’en sert comme de sièges et de bois de lit. Il y a aussi de grandes tables. C’est tout au plus si dans l’une des chambres latérales on trouve quelques meubles plus élégans, tels que miroirs, etc. Le plancher est, ainsi que les plafonds, revêtu de nattes de bambou : les esclaves de la maison les tressent ; on les enduit des couleurs les plus vives, et leur aspect est très-agréable.

Le vêtement des hommes consiste en une chemise de coton et en un pantalon de même étoffe. Le pied est nu, mais chaussé d’une sorte de grandes pantoufles (tamancas), qui sont quelquefois garnies d’éperons, pour être toujours prêt à monter à cheval ; car il est rare que le colon fasse à pied le plus court trajet. Dans l’intérieur de la maison les dames ne sont guère vêtues que d’une chemise de coton blanc, et s’il survient un étranger, elles s’enveloppent d’un gros shwal de coton.

La nourriture du colon est tout aussi simple. On commence le repas, qui a lieu vers le soir, par servir de la farine de manioc avec des oranges, puis viennent des fèves noires avec du lard ou de la viande salée. Quelquefois on y ajoute une poule et du riz : le dessert consiste en fromage et en fruits. La boisson la plus ordinaire est l’eau. Cette frugalité est due à une tempérance naturelle, car lorsqu’on reçoit des étrangers, ou dans les grandes occasions, il ne manque ni de plats fins, ni de vins d’Europe, ni d’autres friandises. On en sert aux voyageurs lors même qu’ils ne sont pas connus du tout. Le maître de la maison leur tient compagnie, s’entretient avec eux, les engage à boire en portant leur santé, et quand ils se sont rassasiés, il s’assied à la même table avec sa famille pour y prendre son frugal ordinaire. Dans les plantations plus vastes, on fait, il est vrai, cuisine à part pour les esclaves ; mais là où ils sont moins nombreux, et surtout dans les plantations lointaines de l’intérieur du pays, les maîtres mangent patriarchalement à la même table qu’eux.

Les colons brésiliens, et surtout ceux qui jouissent de quelque considération, sont fort cérémonieux dans leur conduite envers les étrangers et dans leurs relations sociales ; ils ont beaucoup de la politesse bruyante et verbeuse des Portugais. Il est vrai que les offres de service dont ils accablent l’étranger, ne sont souvent que de vaines formules, surtout dans les pays où les visites sont très-fréquentes ; mais il y aurait beaucoup d’injustice à ne voir dans leur conduite que de la fausseté. Souvent ils tiennent beaucoup plus leurs promesses qu’on ne devrait s’y attendre d’après de pareilles exagérations.

Quoique le genre d’agriculture du Brésil exige de la part du maître peu de réflexion et peu de travail, et qu’il puisse par conséquent passer dans l’oisiveté la plus grande partie de son temps, il reçoit de la nature qui l’entoure, et de la solitude