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qui alimentent de légumes et de fruits les personnes qui l’habitent. L’opération dont le but est de couper et de brûler la forêt pour y établir une plantation nouvelle, est appelée roçada ; la plantation elle-même s’appelle roça, le colon roçeiro. Le soin le plus important pour un roçeiro' doit être de saisir à propos le moment de l’année où il convient de brûler le bois et de préparer le sol du domaine, afin de ne pas laisser écouler le temps de semer et de planter. Une fois les terres préparées, il n’y a ordinairement presque rien à faire jusqu’à la récolte, si ce n’est toutefois de veiller à l’extirpation des mauvaises herbes. Le colon se réserve personnellement la surveillance à exercer sur les esclaves ; et comme ses domaines sont le plus souvent fort vastes, cette occupation suffit pour absorber une grande partie de la journée.

En général, rien n’est plus simple que le genre de vie d’un roçeiro, et rien ne saurait être plus faux que les idées qu’on se fait en Europe de l’oisiveté et de la sensualité d’un colon brésilien, idées qui toutes proviennent des rapports qu’on nous fait sur les Indes orientales et Surinam. S’il n’en jugeait que par l’intérieur de leur maison, par leurs vêtemens, par leur nourriture, un Européen aurait peine à croire que la plupart de ces colons sont aisés, et que beaucoup d’entre eux sont même riches. La maison d’un colon aisé n’a qu’un étage : les murailles sont en terre glaise, et quelquefois blanchies. Les fondations, qui s’élèvent à peu près de deux pieds au-dessus du sol, sont en blocs de granit non taillés. Le toit, recouvert de larges tuiles creuses, dépasse de huit à douze pas les murailles de l’édifice, et il est supporté par des colonnes de bois. Tout autour règne un balcon appelé varanda, ce qui rappelle les maisons des paysans de quelques cantons de la Suisse. La porte est un peu plus élevée que le sol, et on y arrive au moyen de quelques degrés. D’abord on entre dans une grande pièce, qui sert ordinairement de salle à manger pour tous les habitans de la maison. Derrière cette salle est la cuisine ; c’est la véritable demeure des esclaves domestiques, qui se réunissent autour d’un foyer fort bas. Deux chambres sont ordinairement placées à droite et à gauche du premier salon ; l’une appartient au maître de la maison, l’autre est ouverte à l’hospitalité. À côté de la cuisine et à l’angle de la maison il est une chambre destinée aux femmes, ayant sortie sur la varanda, qui forme ici un compartiment séparé. Il y a aussi une chapelle destinée au culte domestique, et le plus souvent elle est sur la varanda à l’autre angle de la maison. La cuisine communique avec le jardin par une porte de derrière et un escalier. Les portes et les volets sont fort grands et d’un bois fort lourd : il n’y a point de vitres. Les meubles ordinairement ne sont autre chose que de grands coffres, où l’on renferme les habits et les autres effets semblables : souvent