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Les Portugais ayant une fois pris pied dans la baie de Rio-Janeiro, cette colonie devint en peu de temps l’une des plus importantes de la côte du Brésil ; elle fut la capitale, d’abord de la partie méridionale, et plus tard de tout le pays. Toutefois, et dans les circonstances ordinaires, les progrès successifs d’une ville de commerce offrent peu de points saillans à l’historien ; la capitale actuelle du Brésil est aussi fort pauvre en souvenirs historiques, souvenirs que d’ailleurs un ouvrage comme le nôtre ne pourrait pas négliger, car personne ne contestera leur effet quant à l’impression que produit l’aspect d’un pays sur l’observateur ? Sous ce rapport, Rio-Janeiro est même encore plus mal partagée que beaucoup d’autres villes du Brésil, que Fernambouc par exemple : cette dernière, du moins, peut rappeler des noms et des faits qui appartiennent à l’époque des guerres soutenues contre les Hollandais pour la liberté, et qui peuvent être cités à côté des plus éclatans de tous les temps et de toutes les nations.

Le seul qui mérite une mention dans la première histoire de Rio-Janeiro, c’est l’expédition du héros de la marine française, Dugay Trouin. Sa facile réussite eut du moins ce résultat avantageux pour la ville, que par de nouvelles fortifications on prévint le retour de pareils malheurs. Du reste, cette expédition ne fut nullement la conséquence d’un plan réfléchi de la part du gouvernement français ; il ne s’agissait pas de renouveler ses tentatives de colonisation dans le Brésil. Le but n’était autre que le pillage et la vengeance d’un outrage reçu antérieurement : en attaquant, dans la baie, quelques navires portugais, le capitaine d’un vaisseau français avait été pris : au mépris de la capitulation, on l’avait tué avec la plupart des siens. Tant pour venger cette violation du droit des gens que pour accomplir une entreprise dont cette première tentative, quoiqu’elle eût été manquée, prouvait la facilité, Dugay Trouin se montra le 11 Septembre 1711 devant la baie ; il réduisit bientôt au silence les batteries du petit fort qui alors en défendait l’entrée ; il pénétra dans la baie, et s’empara de l’Ilha das Cobras, qui est en face de la ville à très-peu de distance. De là il somma le gouverneur Francisco de Castro de capituler ; mais celui-ci mit dans sa réponse plus de courage qu’il n’en montra dans les effets. Dugay Trouin fit pendant la nuit et par une horrible tempête un feu continuel, et ses troupes débarquèrent. Après une résistance assez vive, les habitans évacuèrent la ville et s’enfuirent dans les forêts qui l’entourent, tandis que le gouverneur prit avec la garnison une position forte dans le voisinage. Sur ces entrefaites, les Français occupèrent et pillèrent la ville ; puis, non loin de là, ils livrèrent à la garnison un petit combat qui tourna à leur avantage, il fallut que le gouverneur consentît à acheter leur retraite par le paiement d’une contribution de 1 525 000 francs, somme