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aux établissemens d’Indiens sauvages quelques Indiens déjà civilisés, soit de la même tribu, soit de tribus alliées, paraît avoir produit un très-bon effet. Jusqu’à présent néanmoins ces Indios mansos semblent différer très-peu des Indiens sauvages : ils portent, du moins dans les occasions solennelles, de larges pantalons et des camisoles ; quelquefois ils ont des chapeaux de paille. Les femmes ont des robes d’indienne de couleurs bigarrées. Les cabanes sont un peu plus grandes et mieux construites ; au lieu de haches de pierre, ils en ont de fer ; ils cultivent un peu de maïs, de bananes, de citrouilles et autres choses semblables. Quand leurs provisions et leurs moissons se trouvent consommées, ils vont à la chasse dans les forêts, et n’en reviennent bien souvent qu’après plusieurs semaines. Alors ils en rapportent de la cire, des racines d’ipécacuanha et quelques espèces de gomme, qu’ils vendent aux colons ou à ceux qui font le commerce de ces objets ; mais c’est pour eux, surtout quand ils ne peuvent résister à leur penchant pour les liqueurs spiritueuses, une occasion d’être horriblement trompés ou maltraités. Souvent il en arrive autant à ceux qui louent leurs services aux colons et à leurs journaliers.

Outre le directeur européen, chaque aldéa a son capitao, dont la considération dépend beaucoup de ce directeur. Il y a beaucoup d’aldéas dans lesquels les Indiens n’ont point encore tout-à-fait oublié leurs inimitiés de tribus, et l’on commet çà et là des hostilités envers des tribus sauvages voisines. Tous les Indios mansos sont baptisés ; mais il est facile d’imaginer que c’est à cela que se borne tout leur christianisme. Ils viennent à la messe quand ils savent qu’après cela ils auront à boire et à manger, et ils regardent cette affaire comme un travail dont ils s’acquitteraient au profit des blancs. Leurs mœurs et leurs usages ne sont pas fort différens de ceux de leurs frères des tribus sauvages, surtout là où ils n’ont eux-mêmes abandonné que depuis peu de temps la vie sauvage. La civilisation, à ce premier degré, ne parait pas exercer une influence favorable sur leur caractère : loin de perdre cette sombre férocité de leur premier état, la contrainte qu’ils s’imposent les rend encore plus chagrins, encore moins sociables, et leur haine contre les blancs se manifeste dans toutes les occasions où ils croient pouvoir la laisser agir sans danger d’être punis. Les mauvais traitemens qu’ils ont si souvent éprouvés et auxquels ils sont encore exposés, ont fait sur eux une impression trop profonde pour être effacés par les bienfaits isolés de quelques individus. Leurs véritables sentimens envers les blancs se montrent surtout quand ils sont échauffés par quelque boisson spiritueuse ; ils profèrent de violentes imprécations, même contre ceux qui ne leur ont fait que du bien. Pour citer un exemple connu, nous dirons que le colonel Marlier lui-même en a été l’objet un jour qu’il