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de celle des animaux sauvages avec lesquels ils partagent le domaine des forêts primitives. Il serait aussi peu raisonnable de reprocher à l’once sa soif du sang et sa ruse, au crocodile sa méchanceté, au serpent son venin, qu’il le serait d’accuser l’Indien de son caractère sombre et sauvage. Toutes ses facultés physiques et morales sont employées à satisfaire les désirs et les appétits des animaux : ce qui s’élève plus haut, lui est entièrement étranger.

Les rapports de l’Indien avec ses semblables ou avec l’Européen n’ont produit que les passions les plus odieuses, la haine, la colère, la vengeance, la jalousie. Il doit peu, ou rien du tout, aux hommes de sa tribu ; il ne compte que sur lui-même pour sa subsistance journalière, et sur sa femme pour la lui préparer et lui procurer les autres aisances de la vie ; car elle est regardée par l’Indien comme une propriété, ou plutôt comme un animal domestique : il considère les Indiens des autres tribus et les Portugais comme ses ennemis nés, avec lesquels il n’a que des relations de violence et de vengeance. Il ne peut donc résulter que des sentimens de haine d’un pareil état de choses, et la constitution physique de l’homme elle-même, ne peut rester à l’abri de cette influence. Mais au temps de la découverte les premiers germes de la civilisation, la réunion d’un plus grand nombre d’individus, et le besoin de défendre en commun les villages de la tribu, produisaient nécessairement des sentimens plus humains ; d’après ce que les voyageurs nous disent de la physionomie de ces sauvages, il y a lieu de croire que depuis qu’ils ont fait des pas rétrogrades en civilisation, leur forme extérieure s’est aussi plus rapprochée de celle de la brute. Si, comparés à d’autres nations, et surtout aux Tupis, les Botocudos ont meilleure apparence, c’est peut-être qu’ils ont été moins opprimés que les Tupis ; c’est qu’ils n’ont pas été, comme eux, repoussés de la civilisation à laquelle ils étaient arrivés mais dans le fond ils sont tout aussi sauvages. En effet, l’on ne trouve point dans les anciennes relations des raisons suffisantes d’une différence marquée entre les Tapuyas et les Tupis : il est fort vraisemblable quelle fut la conséquence des destinées opposées de ces peuples.

On a cherché une garantie de l’humanité des Indiens dans la consolante certitude qu’ils adorent un être suprême ; et quoique quelques voyageurs aient entrepris de le nier, il serait difficile de prouver qu’ils n’y croient pas. La connaissance des langues est si peu avancée, les Indiens éprouvent tant de répugnance à fournir les moindres explications, qu’il est presque impossible de résoudre cette question. Pour comprendre que les assertions ou les dénégations des voyageurs à cet égard sont peu concluantes, il suffira de réfléchir de quelles difficultés sont hérissés les rapports qu’on voudrait