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VOYAGE PITTORESQUE

DANS LE BRÉSIL.

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MŒURS ET USAGES DES INDIENS.


Après avoir donné, dans le premier cahier de la deuxième division, un aperçu général de l’histoire des tribus sauvages du Brésil, et des changemens produits par leur contact avec les Européens, nous allons tracer un tableau plus spécial de leur état actuel. Cet état est loin d’exciter d’agréables sensations, et n’offre de l’intérêt que sous un petit nombre de points de vue. Le voyageur, quand il a satisfait sa première curiosité, est bientôt obligé de s’avouer à lui-même que l’homme, dans l’état de nature, est aussi loin de plaire à l’œil, qu’il l’est de présenter rien d’agréable à la pensée. La douloureuse impression qu’on en reçoit s’accroît encore quand on songe que, sans l’arrivée des Européens, les naturels auraient déjà fait des progrès marquans dans la civilisation : ils auraient, à la vérité, marché sur une route différente de la notre ; mais cette route convenait mieux à leur nature. Quels que soient les résultats qu’une politique plus sage de la part du gouvernement puisse produire à l’avenir, il n’en demeurera pas moins constant que jusqu’à ce jour le contact des Européens n’a eu que de funestes effets. À en juger par ce que rapportent les plus anciens voyageurs sur le commencement de la civilisation des Indiens, tout porte à croire que la profonde indolence qui de nos jours est le trait principal du caractère des indigènes, n’existait pas au même point chez ceux d’autrefois : cette indolence et leur insensibilité pour toutes les impressions qui ne naissent point de la vie animale, est portée si loin, que l’observateur même le plus impartial et le plus philanthrope se trouve parfois tenté de révoquer en doute la possibilité d’améliorer l’existence grossière de ces créatures plongées dans l’abrutissement.

Il serait injuste, cependant, de regarder les Indiens comme vicieux : ils n’ont aucune idée morale des droits et des devoirs. À l’exception de quelques talens nés de l’influence des seuls besoins que la nature leur fasse sentir, leur vie diffère à peine