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ouvrage, où il sera question des grands fleuves des provinces septentrionales, du Tokantin, du Paraiba, du Rio-Negro et du littoral des Amazones. Cependant ceux de la côte orientale, auxquels nous nous restreignons ici, offrent aussi des différences très-prononcées, selon que leurs bords sont chargés de montagnes, de collines ou de marais ; selon que la forêt primitive rejoint leurs eaux, ou fait place à une moindre végétation ou à des plantations : les blanches murailles des habitations sont d’un aspect agréable sous la verdure des orangers, des bananiers et des mangos qui les couvrent, pendant que le grêle palmier agite dans les airs sa cime branlante, et que dans le fond les forêts vierges et les montagnes ferment le tableau.

Quand les rives sont basses, elles sont le plus souvent bordées de buissons impénétrables. Néanmoins les arbres et les arbrisseaux se montrent, pour l’ordinaire en grande quantité et de la manière la plus variée. L’abondance de leurs fleurs, la beauté de leurs formes, contribuent beaucoup à donner au paysage un caractère particulier. On y voit la canne uba avec ses fleurs en banderolles ; le bambou élancé ; les avicennies, les bignonies et d’autres espèces grimpantes, à feuilles abondantes, à fleurs de couleur vive. Devant la nacelle du voyageur, des canards de différentes sortes, des martins-pêcheurs et d’autres oiseaux aquatiques s’envolent de distance en distance, pendant que de beaux hérons blancs se réfugient sur la cime des arbres. Aux endroits où les ondes de la mer sont encore mêlées à celles des fleuves, les rives marécageuses sont chargées de touffes de mangliers, qui toujours jettent leur semence plus avant dans les eaux. Le reflux met à découvert une immense quantité de coquillages, d’huîtres et de crabes, qui recouvrent leurs racines. Souvent les broussailles sont si élevées, que c’est à peine si dans le lointain le voyageur peut apercevoir les cimes des forêts natives ou les sommités des montagnes ; car ce n’est que rarement que ces forêts vierges touchent immédiatement à la rivière. Notre seconde planche, qui représente l’Inhomerim dans la baie de Rio-Janeiro, peut donner une idée de ce genre de paysages. Les fleuves se fraient souvent une route à travers les montagnes, et se précipitent en cascades nombreuses. Plus haut ils arrosent les collines dégarnies de l’intérieur, et là leurs rivages sont nus, ou bien ils n’ont que des broussailles du genre des saules.

Les forêts natives forment la partie la plus intéressante des paysages du Brésil ; mais c’est aussi la partie la moins susceptible de description. En vain l’artiste chercherait un point de vue dans ces forêts, où l’œil pénètre à peine au-delà de quelques pas ; de plus, les lois de son art ne lui permettent pas de rendre avec une entière fidélité les variétés innombrables des formes et des couleurs de la végétation dont il