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(1824-1896)
(Suite et fin. — Voir le dernier numéro)


ANTON BRUCKNER

Bruckner conserva toujours aussi un souvenir attendri de ses premières années passées dans sa pittoresque patrie, et ne manquait jamais d’y retourner chaque année pendant ses vacances, revoyant en même temps avec plaisir ses anciens camarades du couvent Saint-Florian.

Son caractère doux, loyal et simple lui avait gagné de grandes amitiés, dont la plus illustre fut certainement celle de Richard Wagner. Les deux maîtres se rencontrèrent pour la première fois à Munich en 1865, lors des mémorables représentations de Tristan et Isolde. Bruckner gagna immédiatement la confiance et l’amitié du maître de Bayreuth. Il en parlait avec une admiration, un enthousiasme extraordinaire, aimant à raconter les bonnes visites matinales qu’il faisait à Wahnfried, quand Wagner venait à sa rencontre tenant la petite Eva (sa fille) par la main et disant en riant : « Maître Bruckner, ta fiancée ! » D’aucuns disent même que, dans sa vénération pour Wagner, il ne se serait jamais rendu à Bayreuth sans prendre avec lui un habit, qu’il aurait vite endossé, caché au seuil d’une porte, dès qu’il voyait arriver le maître, afin de se présenter à lui tout à fait dignement, « en grande tenue ». La chose est-elle vraie ? C’est possible, car rien ne doit nous étonner de la part de ce grand musicien, si naïf pourtant, qui pleurait à chaudes larmes, aux représentations de Tannhäuser, au récit du pèlerinage à Rome et s’écriait dans une grande pitié : « Oh ! pourquoi ne lui a-t-on pas pardonné ? Pourquoi ? » Cette façon enfantine de comprendre le drame ne doit pas nous surprendre. Bruckner était exclusivement musicien ; il ne s’arrêtait guère au sujet pour l’analyser ni l’approfondir ; il n’en découvrait ni l’intérêt historique, ni la portée philosophique. Il suivait le récit simplement, comme un enfant, tour à tour surpris, ravi ou attristé suivant les événements qui se déroulaient devant lui. Ce qui importait, c’était la musique. C’est pour elle seule qu’il se rendit plusieurs fois au « Festspiel » de Bayreuth ; il ne comprit pas la grande réforme que Wagner venait de réaliser par la fusion complète de l’idée,