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Je vais donc m’attacher à donner l’idée la plus exacte possible de celui-ci, et en faire connoître la fabrication, selon les procédés de M. Clavaux, à qui, je ne saurois trop le répéter, la partie de chasse de cet Ouvrage doit une foule de documens précieux.

Le grand panneau simple est une nappe ou pièce de filet d’une longueur arbitraire et indéterminée, et haute d’environ quatre pieds. Le fil dont il est composé est plus ou moins fort, selon l’espèce d’animaux pour lesquels on veut tendre. Celui qu’on destine aux lapins est fait d’un fil retors en trois brins, de la grosseur des ficelles ordinaires, telles que celles, par exemple, qui attachent les tabacs, ou celles qui servent communément dans les cuisines. Il faut aussi faire attention à ne pas trop tordre l’assemblage des trois brins, parce qu’un fil trop retors rendra le filet dur et peu obéissant aux mouvemens qui lui seroient imprimés ; de plus, ces sortes de filets étant souvent exposés à l’humidité, acquièrent déjà par là une tendance à tordre, qui, augmentée par un défaut semblable dans la confection du fil, rendroit la pièce de filet très-difficile à tendre sur le terrain. Le moule sur lequel on fabriquera le filet devra avoir quatorze lignes de diamètre. On fera une levure de dix-huit mailles qui rendront environ quatre pieds de large ; on poursuivra sur cette même largeur, sans décroître ni augmenter, jusqu’à ce que la pièce ait acquis la longueur qu’on s’est proposée. Cette longueur est suffisante à cinquante toises ; mais il faut remarquer que pour que le filet tendu obtienne ces cinquante toises, on doit le fabriquer sur soixante-quinze ; parce qu’on ne peut le tendre selon sa largeur, qui doit être de quatre pieds, qu’en lui faisant subir une diminution dans le sens de sa longueur, et parce qu’encore le filet devant bourser et faire la poche, a besoin d’être monté lâche pour présenter au gibier une ampleur dans laquelle il puisse s’empêtrer.

La toile achevée selon ces proportions, on la montera, c’est-à dire qu’on passera dans chacune des deux lisières inférieure et supérieure, un maître ou cordonnet gros comme une très-forte plume à écrire, long de cinquante toises, et peu câblé pour qu’il se torde moins à l’humidité, d’après ce qui vient d’être dit un peu plus haut. Outre les cinquante toises que doit avoir chaque maître pour déterminer la tendue du filet, il conviendra de laisser à chacun deux toises de corde de plus, pour servir à faire des boucles, ou attacher le filet à ses deux bouts. Telles sont les proportions commodes d’un panneau pour lapins. Rien n’empêche, d’ailleurs, de l’allonger tant qu’on voudra ; mais plus il sera long, plus il acquerra de poids, et plus il deviendra difficile à tendre, manier, et porter.

L’on chasse au panneau toute l’année : mais les saisons où cette chasse est plus fructueuse sont sans contredit l’automne et l’hiver, parce qu’alors le gibier se contente de l’abri qu’il trouve dans les feuilles tombées des arbres, et se terre bien moins que dans les autres saisons, et principalement dans l’été, où le lapin cherche au fond des terriers un asile contre les grandes chaleurs.

Il faut encore, pour panneauter avec succès, se munir de quatre ou six pièces de panneaux, et rassembler un assez grand nombre de chasseurs.

Ces premières dispositions arrêtées, on se rend au bois, et l’on s’y munit, pendant une halte faite à ce dessein, de plusieurs bottes ou paquets de baguettes grosses comme deux doigts ou dix lignes environ de diamètre, hautes de quarante-deux pouces, et aiguisées par un bout pour entrer plus aisément dans la terre où l’on doit les piquer. Il faut seize à dix-sept de ces piquets pour tendre une pièce de pan de cinquante toises sur le terrain, parce que chaque baguette se place à environ dix-huit pieds de distance de la précédente. Les chasseurs munis de cette dernière partie de leur attirail, avancent à l’endroit qu’ils ont déterminé, et étendent les panneaux. On commence par arrêter à quelque arbre ou pieu les deux extrémités du maître ou cordonnet qui se prolongent, comme on l’a vu plus haut, à chaque bout de pan, et sortent des deux lisières inférieure et supérieure du filet. On forme cette attache assez près de terre pour que le filet, abandonné à