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affreuse calamité, n’auroit pas enlevé toutes les ressources aux cantons qui l’ont essuyée, s’ils eussent couvert quelques arpens de ces plantes. Nous n’avons sauvé, m’ont écrit, à cette époque critique, plusieurs petits cultivateurs désolés, que le produit des pommes de terre que vous nous aviez données à planter.

Les propriétaires éclairés, qui font consister aujourd’hui une partie de leur revenu dans les troupeaux, ont essayé depuis peu de leur donner des racines pendant l’hiver ; les avantages qu’ils en ont déjà obtenus ne leur permettent plus d’abandonner cet usage. Combien de cultivateurs gagneroient à l’adoption d’une pareille pratique, s’ils vouloient faire taire leurs préjugés et imiter ceux qui leur prêchent d’exemple ! L’économie qui résulteroit de l’usage des racines administrées à l’étable ou à la bergerie, pendant à peu près la moitié de l’année, où l’on est presqu’entièrement privé de pâturages, est incalculable.

Il seroit superflu de faire remarquer ici que la substitution des racines aux grains ne doit rien changer au régime des animaux, et qu’il ne faut pas moins continuer de leur donner le fourrage dont on peut disposer ; mais il convient d’ajouter qu’un arpent de racines représente cinq arpens en grains, d’où il est naturel de conclure que le champ seroit en état de nourrir trois fois plus de bestiaux. Les cultivateurs allemands prétendent que son produit est décuple d’une même étendue de prairies artificielles.

Tout le monde sait qu’il n’y a pas d’année où, pendant l’hiver, il n’arrive quelques révolutions subites sur le prix de la viande, occasionnées par une foule de circonstances qui s’opposent à l’arrivée des bestiaux venant des pays éloignés ; et il n’est pas rare de voir, dans nos marchés, la viande augmenter, d’une semaine à l’autre, de quatre à cinq sous la livre. Dans ce cas malheureux, les bouchers achètent tout ce qu’ils rencontrent : mères et petits, bêtes grasses et maigres ; la disette fait mettre tout sous le couteau. Ce seroit alors que les cultivateurs qui avoisinent la capitale auroient un grand bénéfice, s’ils tiroient de loin, dans la saison opportune, des moutons maigres, qu’ils engraisseroient en les nourrissant à la bergerie, pendant deux mois environ, avec des racines. Cette spéculation avoit lieu autrefois, mais c’étoit avec du grain pur et du fourrage de choix ; or, cette manière d’engraisser, trop coûteuse, les a déterminés à renoncer à une branche d’industrie qu’il seroit avantageux de favoriser et d’encourager, en suppléant à ces grandes dépenses par des productions de moindre valeur. Il faut voir le Mémoire des Expériences de Cretté-Palluel, sur les effets comparatifs des racines employées à l’engrais des moutons à l’étable, inséré dans le trimestre d’été 1788, de l’ancienne Société d’Agriculture de Paris. Des commissaires se sont rendus à Dugny, pour constater le résultat de cet essai intéressant, et leur rapport a été que la chair des animaux, nourris et engraissés ainsi, étoit très-succulente et de fort bon goût.

Le produit des plantes potagères ne consiste pas seulement dans leurs racines ; elles fournissent encore, pendant le cours de leur végétation, des feuilles qui sont mangées avec avidité par les bestiaux. Il est de ces plantes dont on retire plusieurs coupes, telles sont les betteraves champêtres. L’opération, il est vrai, d’effeuiller, à diverses époques de leur développement, certaines plantes, demande à être exécutée avec ménagement ; mais cette soustraction des feuilles est-elle un bon calcul, et ne doit-on pas craindre de nuire aux racines, ce qui est l’objet principal ? La pomme de terre, la carotte, le turneps, qui ne fournissent qu’une seule coupe, seul