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La plume des canards est assez élastique et se vend un certain prix dans la ci-devant Normandie, où il y a de grandes éducations de cet oiseau. On en fait des oreillers, des matelas.

Duvet ou plumes d’oie. L’oie commune, et sur-tout la grande espèce, soumise de temps immémorial à la domesticité, fournit la plus grande quantité des plumes et duvets employés en Europe. Long-temps on a été dans l’opinion que c’étoit préjudicier directement à la santé de ces oiseaux que de les plumer ; cependant l’opération ayant lieu avant la mue, cette maladie périodique, commune aux autres oiseaux, n’est suivie d’aucuns inconvéniens, quand elle s’exécute à propos, avec adresse, et de manière à n’enlever à chaque aile que quatre à cinq plumes et le duvet.

Dès que les oisons ont atteint l’âge de deux mois, on les conduit à plusieurs reprises dans une eau claire ; on les expose ensuite sur un lit de paille nette, afin qu’ils s’y sèchent ; on les plume promptement pour la première fois, et une seconde fois au commencement de l’automne, mais avec modération, à cause des approches du froid qui pourroit les incommoder.

Une autre précaution qu’on doit toujours avoir, c’est que, quand les oies viennent d’être plumées, il faut empêcher qu’elles n’aillent à l’eau, et se borner à les faire boire pendant un ou deux jours, jusqu’à ce que la peau soit raffermie ; on les plume enfin une troisième fois quand, après les avoir engraissées, on les tue : ainsi cet oiseau, qui a vécu neuf mois environ, peut fournir pendant sa vie trois récoltes de plumes.

Le bénéfice qu’on peut retirer des plumes d’oie n’est à dédaigner nulle part ; elles forment un article important du commerce de la province de Lincolnshire en Angleterre, et s’y vendent à raison d’une livre seize sous par an, soit en duvet, soit en plumes à écrire.

Ce seroit donc renoncer bien gratuitement au profit assuré et considérable qu’il est possible de retirer d’une éducation nombreuse d’oies, si on négligeoit l’avantage d’avoir une, deux ou trois fois par an, une récolte de plumes propres à écrire, et de duvet pour garnir les coussins et les lits. On a estimé que ce produit varioit selon l’âge, et qu’une oie mère donnoit communément sa livre de plume. La jeune en fournit assez constamment une demi-livre.

Les oies destinées à peupler la basse-cour, et qui sont ce qu’on nomme les vieilles oies, peuvent, il est vrai, sans inconvénient, être plumées trois fois l’année, de sept semaines en sept semaines ; mais il faut attendre que les oisons aient treize à quatorze semaines pour subir cette opération, sur-tout ceux qui sont destinés à être mangés de bonne heure, parce qu’ils maigriroient et perdroient leur qualité.

La nourriture contribue infiniment à la valeur du duvet et à la force des plumes ; les soins particuliers qu’on prend des oies n’y ont pas moins d’influence. On a remarqué que, dans les endroits où ces oiseaux trouvent beaucoup d’eau, ils ne sont pas aussi sujets à la vermine, et fournissent une plume qui possède plus de qualités.

Il y a une sorte de maturité pour le duvet, qu’il est facile de saisir ; c’est lorsqu’il commence à tomber de lui-même ; si on l’enlève trop tôt, il n’est pas de garde, et les vers s’y mettent.

Les oies maigres en fournissent davantage que celles qui sont grasses, et il est plus estimé ; les fermiers ne devroient jamais permettre qu’on arrachât les plumes des oies, quelque temps après qu’elles sont mortes, pour les vendre : elles sentent ordinairement le reland et se pelotonnent. On ne doit mettre dans le commerce que les plumes arrachées sur