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filets deviennent des armes auxiliaires de la plus grande ressource ; sans eux, une multitude d’oiseaux et une quantité encore plus grande de poissons échapperoient à nos coups ou à nos ruses. Il suffit, à la rigueur, que l’emploi, le jeu, la destination de toutes les espèces de rets, soient familiers au propriétaire à qui la nature de ses biens offre les avantages de la chasse et de la pêche. Aussi trouvera-t-on dans cet Ouvrage, aux différens articles de poissons, oiseaux, et gibier quelconque, la description la plus exacte qu’il ait été possible de faire, et des filets dont il convient de se servir, et de la manière de les mettre en usage. On a dû supposer, dans ces articles, le chasseur pourvu de tous ces instrumens ; mais il n’est que deux manières de s’en pourvoir : c’est de les acheter dans les fabriques, ou de les fabriquer soi-même. L’achat est la voie la plus simple et la plus expéditive, et convient d’ailleurs aux grands et riches propriétaires dont le superflu doit naturellement alimenter tous les genres d’industrie, dont les travaux s’appliquent à leurs besoins ainsi qu’à leurs jouissances. La fabrication est plus économique, et peut utilement occuper les loisirs de l’agriculteur sédentaire qui passe, loin des villes, et sous l’abri du chaume modeste, les longues soirées des hivers. Dans tous les cas, au reste, j’ai cru qu’il étoit utile pour tous de présenter ici quelques idées générales sur cette fabrication, ainsi que sur les soins qu’exige la conservation des filets. Sans ces soins, en effet, leur destruction s’accélère promptement ; et, de quelque manière qu’on se les soit procurés, il est toujours intéressant et sage de les conserver. Je saisis encore cette occasion de citer, avec un juste éloge, la complaisante intelligence de M. Clavaux qui m’a fourni les principaux matériaux de cet article, dont l’objet est essentiellement de sa compétence, et de recommander sa fabrique aux propriétaires, chasseurs, ou pêcheurs, jaloux de se munir d’instrumens bien travaillés.

Je crois qu’il seroit bien difficile à celui qui n’auroit aucune idée de la manière dont se fait la maille d’un filet, de puiser cette connoissance dans un livre. Le mouvement mécanique qui conduit les contours du fil et les passées de l’aiguille, pour former cette maille, échappe eu quelque sorte à l’œil même par sa prestesse. Comment donc le fixer sous la plume ? comment rendre sensible à la pensée cet entrelacement des différentes branches du même fil, dont la position déterminée, et en même temps cachée par les doigts de l’ouvrier, n’offre ni formes saillantes qu’on puisse saisir et représenter par un dessin figure, ni caractère géométrique qu’on puisse décrire par une expression claire et précise ? Cependant, comme il n’y a bien certainement aucun canton de France où il ne se trouve au moins quelques laceurs, ou faiseurs de filets ; que même, dans une foule d’endroits, la fabrication de plusieurs petits meubles en filet de soie est l’occupation des femmes, j’ai pensé qu’avec ce que je vais dire et le secours des connoissances locales qu’il pourroit se procurer, un homme intelligent parviendroit suffire par lui-même, sinon à tous, du moins à la plupart de ses besoins en ce genre.

Les outils propres à mailler se classent naturellement en tête de toute notion sur l’art de faire le filet. Les premiers sont l’aiguille et le moule, ensuite le valet, les ciseaux, des clous à crochet, ou à grosses têtes, selon que l’on travaille debout ou sur un établi.

Les aiguilles varient en grandeur, selon la force des filets que l’on veut faire. Les plus grandes sont de quatorze pouces environ ; les moyennes de neuf et huit, et les plus petites de six à sept. Leur matière est le bois de coudrier, du