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fait parcourir en file et successivement toutes les parties d’une prairie. Ce travail doit être exécuté au commencement du printemps, ou après la première fauchaison, lorsque l’herbe a deux décimètres environ. Si on l’entreprenoit avant cette époque, les ouvriers ne pourroient découvrir les plantes que l’on veut extirper ; et si l’on différoit plus tard, l’herbe parvenue à une certaine élévation seroit foulée aux pieds de manière à ne plus se relever. Les ouvriers doivent être munis d’un fer pareil à celui qu’on emploie pour l’arrachage des chardons. Cette opération sera répétée plusieurs fois, sur-tout dans les prairies où dominent les plantes parasites.

Un travail de ce genre est sans doute minutieux, et il occasionne une certaine dépense. Mais en agriculture, ainsi que dans tous les arts, il n’est point de bénéfices là où l’on ne dépense rien. On ne doit jamais perdre de vue que les fourrages d’une ferme en font la richesse, et que l’amélioration d’une prairie est toujours profitable au cultivateur.

Nous ajouterons qu’on doit sur-tout éviter de laisser paître les bestiaux dans les saisons où la pluie et l’humidité ont rendu le sol mou et flexible ; les pieds des animaux forment des trous dans lesquels l’eau se conserve et gèle pendant hiver, ce qui détruit une quantité considérable de racines. Ces creux occupent d’ailleurs une grande surface de terrain qui est perdu pour la végétation, puisque les plantes ne sauroient y croître. La prairie devient inégale et marécageuse, les plantes nuisibles ou inutiles se multiplient, les produits se détériorent.

Les cultivateurs qui ne tiennent pas leurs bestiaux à l’étable dans tout le courant de l’année, pourront les envoyer dans les prairies lorsque le sol sera suffisamment sec et solide ; mais s’il reste, malgré cela, des traces de leurs pieds sur le sol, il faudra envoyer dans la prairie des ouvriers qui feront disparaître ces traces avec des battoirs, ainsi que nous l’avons vu pratiquer dans quelques endroits.

Le sol d’une prairie doit être parfaitement uni, afin que la faux puisse couper les herbes très-près des racines. Quelques agriculteurs, en Angleterre, font passer des rouleaux pesans sur les prairies. Cette méthode est sur-tout avantageuse pour les terres légères et sablonneuses, car elle conserve et entretient l’humidité.

Dans le département de la Haute-Vienne, où la culture des prairies est portée à un grand degré de perfection, les cultivateurs ont soin non seulement de tenir bien unie la superficie des prés, mais encore d’enlever tout corps étranger qui pourroit nuire à la crue des plantes, ou détériorer les fourrages. À la fin de l’hiver, lorsque les premières pousses des plantes commencent à paraître, ils balaient avec un soin tout particulier les feuilles des arbres que le vent a portées sur les prairies.

Dans les lieux où cette culture est bien raisonnée, on est dans l’usage de les fumer à différentes époques. Un pré, il est vrai, peut se passer d’engrais plus facilement qu’un champ qu’on laboure ou qu’on ensemence chaque année. Dans celui-ci la terre, qui est sans cesse remuée, perd plus facilement l’humidité, et les autres principes qui servent à la végétation. Les plantes dont on la couvre l’épuisent sans lui rien donner en retour ; tandis que le sol des prairies est enrichi chaque année par le détritus des racines, des feuilles et des insectes qu’il a produits. Mais toutes les terres rapportent des récoltes d’autant plus abondantes qu’elles reçoivent une quantité de fumier plus proportionnée à leurs besoins. Les meilleurs sols, et les prairies mêmes, sont soumises à cette loi, et on ne peut s’en écarter sans éprouver une diminution dans les produits. Si l’on