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Il n’est pas indifférent de contrefaire le premier oiseau venu, ni ses tons ordinaires ; il faut, de plus, savoir que les plus foibles appellent les plus forts, et que les cris de plainte ou de colère ne ressemblent point aux gazouillemens habituels. Il faut donc, pour se perfectionner, qu’un bon pipeur, comme je l’ai déjà dit, étudie ses modèles dans la nature. La feuille de lierre dont j’ai parlé ci-dessus est un très-bon instrument, parce qu’en frouant, c’est-à-dire en soufflant dans la cavité que l’on y forme, on produit un son très-imitatif du cri de tout petit oiseau qui a rencontré le hibou ou la chouette, et appelle les autres à son secours. En frouant sur une lame mince comme celle d’un petit couteau, dont on applique le tranchant entre les deux lèvres, on contrefait le moineau. Enfin, on a de petits sifflets faits d’un tuyau de grosse plume, bouché de cire, qui imitent les cris de plusieurs espèces. (Voyez Appeau.) Les rouge-gorges, les roitelets, et les mésanges sont les premiers à paroître au simple frouement. Dès qu’ils approchent, on commence à donner des coups d’appeau. L’Aviceptologie recommande de piper d’abord doucement, augmenter avec mesure, et finir par les tons lugubres et tremblotans. On laisse entre les premiers coups d’appeau une demi-minute d’intervalle ; ensuite on pipe et on froue alternativement. Les rouge-gorges sont bientôt suivis des pinsons qui amènent les merles, les grives, les geais, les pies, progressivement. Dès qu’on a des grives et des merles, il ne faut plus faire crier le geai, mais bien les autres oiseaux qu’il est bien plus agréable d’attirer à ses gluaux. Il est très-peu d’espèces qui ne donnent dans les pipées. Ceux qu’on n’y prend que par accident sont les ramiers, les tourterelles, les étourneaux, les linottes, les chardonnerets et ceux en général qui ne viennent pas à l’appeau et ne perchent pas. Tous les autres, à commencer par les oiseaux de proie diurnes et nocturnes, les corbeaux, les geais, les pies, sur-tout ces deux derniers, s’y portent avec ardeur. Les roitelets, les rouge-gorges, les mésanges, les pinsons, les merles, les grives, les draines, y accourent en foule, ainsi que les piverts, les fauvettes, les verdiers, les bruans, les moineaux, les rossignols, les gros-becs, etc., etc.

Lorsqu’un oiseau englué tombe de l’arbre ou des plians, l’une des personnes cachées dans la loge et qui doivent avoir l’œil au guet, s’empressera d’aller le ramasser, en se traînant le plus bas et avec le moins de bruit possible. Il faut cependant être preste ; car plusieurs, notamment le merle, courent très-vite, emportant le gluau après leurs plumes. Plusieurs autres de ces captifs pincent très serré ; on leur casse alors une mandibule du bec ; on leur retrousse aussi les ailes en les croisant sur le dos. Par là, on les a à sa disposition pour les faire crier à propos.

L’habitude générale est de préparer un arbre, ainsi que je l’ai décrit, outre les plians ou perches, pour tendre ses gluaux. Cependant on réussit très-bien à des pipées où, à défaut d’arbres convenables, des chasseurs se contentent d’entourer leur loge de ces plians dont j’ai dit qu’il falloit garnir les routes, tant droites que circulaires, pratiquées autour de la cabane. Ce ne seroit donc point l’absence d’un arbre qui devroit faire renoncer à cette chasse dans un taillis où tout d’ailleurs indiqueroit qu’on pourroit la tenter avec l’espérance fondée du succès. Seulement, dans ce cas, il faudroit multiplier les avenues, afin de multiplier ses plians. De plus, il seroit à peu près inutile de s’attendre à y prendre de gros oiseaux qui ne perchent que sur de fortes branches ; mais au moins tous les petits, et ce sont les plus recherchés comme gibier, y viendroient avec le même empressement. (S.)