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de bruyère, passée à la claie, jusqu’à trois à quatre pouces au dessus du sol.

Lorsqu’on n’a pas suffisamment de terre de bruyère, on peut la suppléer dans le fond par des feuilles sèches, stratifiées avec de la terre ordinaire, dans une proportion calculée de manière à ce que le résultat se rapproche de la terre de bruyère par sa légèreté ; ensuite on couvre la surface de deux, trois ou quatre pouces de véritable terre de bruyère ou de terre factice, fabriquée comme je l’ai dit précédemment.

Le sable que j’ai conseillé de mettre au fond de la fosse est destiné à empêcher les vers blancs et les lombrics qui, pendant l’hiver, s’enfoncent à plus de six pieds, de monter au printemps dans la terre de bruyère, car ces animaux n’entrent pas volontiers dans le sable, où ils ne trouvent point de moyen de subsistance. On éloigne par cela même les courtilières qui vivent principalement de lombrics, et qui ne se trouvent abondamment que dans les lieux où ils sont communs.

Une plate-bande ainsi construite peut servir un grand nombre d’années sans être renouvelée entièrement ; mais il faut la recharger tous les trois ou quatre ans, pour renouveler ses principes de fertilité, et réparer les pertes qu’elle fait par l’effet des pluies, des vents, etc.

Les endroits destinés aux semis n’ont besoin que d’avoir une épaisseur d’un, deux à quatre pouces de terre de bruyère, et, par économie, on les y borne ordinairement ; mais lorsqu’on emploie, pour le même objet, une plate-bande, on doit s’attendre à des productions bien plus vigoureuses.

La distance où il convient de mettre les arbustes dans la terre de bruyère, dépend de leur espèce et de l’objet qu’on se propose ; mais, comme ils aiment généralement à avoir le pied ombragé, on ne doit les éloigner qu’autant qu’il est nécessaire pour pouvoir arracher les rejetons de l’un d’eux, sans nuire à ceux des autres, ou pour avoir la facilité de coucher leurs rameaux dans tous les sens et dans toute la longueur nécessaire, lorsqu’on a l’intention de les marcotter.

Celles des graines d’arbustes de terre de bruyère, qui, comme les rosages, les androgènes, les airelles, etc., demandent peu d’air et une fraîcheur constante pour pouvoir prospérer, se sèment ordinairement dans une terre de bruyère, placée à l’angle rentrant de deux murs très-élevés, ou dans une très-petite enceinte. Lorsqu’on ne jouit pas de localités de ce genre, on en fait avec des planches, des claies, des paillassons etc. ; ou mieux, on couvre le terrain d’une bâche de bois, dont on tient le châssis presque constamment fermé ou très-peu ouvert.

C’est ici le moment de dire que l’expérience a prouvé que les graines germoient beaucoup plus vite et mieux dans un air surchargé de carbone, et que les plants qu’elles produisoient ne pouvoient vivre qu’où il se trouve une certaine proportion d’oxigène. Il faut donc, toutes les fois qu’on sème des graines dans un lieu fermé, veiller attentivement sur leur germination, afin de leur donner de l’air au moment même où elles développent leurs feuilles séminales. C’est faute de faire attention à cette circonstance, que tant de pépiniéristes éprouvent la perte de semences précieuses ou de boutures importantes ; car ces dernières reprennent aussi plus facilement racine dans un air étouffé, et périssent ou fondent, comme disent les jardiniers, lorsqu’on ne renouvelle pas cet air au moment où elles commencent à pousser des feuilles.

On sème sur couches celles des graines des arbres et arbustes dont il est question en ce moment, qui viennent des pays plus chauds que celui où on les cultive, ainsi que celles dont on veut accélérer la germination et la pousse. Ces graines sont toujours mises dans des terrines ou des pots qu’on enterre dans la couche jusqu’au rebord, et qu’on laisse à l’air libre ou qu’on couvre, soit avec des cloches, soit avec des châssis.

Les couches qu’on emploie, dans ce cas, sont de deux sortes, c’est-à-dire des couches ordinaires de fumier de cheval neuf, ou des couches sourdes construites avec le fumier d’une vieille couche de l’espèce précédente, ou des feuilles sèches, ou de la paille et plus ou moins de fumier neuf, selon qu’on désire qu’elles soient plus ou moins chaudes. Elles doivent avoir au moins trois pieds de hauteur. On les place quelquefois au nord d’un mur, plus souvent au midi, et, dans ce dernier cas, on se procure le moyen de les abriter des rayons du soleil par des paillassons, des claies ou des toiles, qu’on enlève aux approches du coucher du soleil, et lorsque le ciel est couvert de nuages.

Les terrines sont presque toujours préférables aux pots, en ce qu’elles occasionnent une moindre perte de terrain sur la couche, et que la chaleur les pénétre plus aisément et plus également ; il faut les choisir bien cuites et exemptes de nœuds calcaires ; car lorsqu’elles n’ont pas ces qualités, la chaleur et l’humidité auxquelles elles sont exposées, les détruisent