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on peut s’en convaincre dans l’excellent mémoire qu’a fourni au rédacteur de l’Art du pain-d’épicier, décrit dans l’Encyclopédie méthodique, M. Boudet, pharmacien en chef des armées d’Orient. Il seroit à souhaiter que tous les arts fussent décrits avec la même clarté et la même concision.

Le seigle qui sert au pain d’épice de Reims est récolté dans les terres les plus maigres ; il ne fournit qu’une petite quantité de farine ; mais elle est sèche et mieux disposée qu’une autre à recevoir la dose convenable de miel. On emploie à la fabrication des différens pains d’épices trois sortes de miel ; le premier ne le cède guères au miel de Narbonne ; il a plusieurs fois été employé comparativement avec ce miel qui tient le premier rang parmi ceux de la France. Le second a une saveur à peu près semblable au premier ; mais il en diffère par une couleur qui tire un peu sur le jaune. Le troisième exhale nécessairement la cire ; mais on choisit celui dans lequel cette odeur est moins remarquable.

On a soin qu’aucun de ces miels ne soient allongés d’eau ; ce liquide ayant la propriété d’entrer en expansion, feroit soulever, crever la croûte des pains d’épices qui, par là, resteroient déformés.

Certes, ce n’est pas dans un Ouvrage de ce genre qu’il faut s’attendre à trouver le détail de quelques procédés des arts, même les plus utiles à nos besoins réels ; mais je pense que par-tout on ne doit pas laisser échapper l’occasion d’attaquer les préjugés qui les environnent de toutes parts. En considérant que les fabricans de pain d’épice nomment levain leur premier procédé, qui consiste à faire un mélange de farine et de miel, à placer ce mélange sous le four, et à ne le cuire que quelques jours après, on pourvoit croire que le pain d’épice subit réellement un mouvement de fermentation, sur-tout lorsqu’après sa cuisson il présente, dans sa cassure, des yeux assez ressemblans à ceux qui, dans le pain de froment et de seigle, sont l’indice d’une bonne fermentation, et qu’il offre une matière analogue au pain levé ; mais il n’en est absolument rien ; et voici de quelle manière M. Boudet conçoit que les choses se passent :

1°. La pâte du pain d’épicier est improprement appelée levain ; elle ne contient point de ferment ; on n’y introduit ni aucune portion d’une ancienne pâte, ni aucune substance qui, éprouvant le mouvement de fermentation, puisse le communiquer à la masse ; ce n’est qu’un simple mélange de miel et de seigle ; il faudroit donc, pour qu’il y eût fermentation, qu’elle s’y établît spontanément.

2°. Le miel et la farine sont des substances fermentescibles ; mais elles ne peuvent pas fermenter, comme il convient, sans le secours de l’eau, agent essentiel de la fermentation des corps muqueux. Or, on n’en met point dans le mélange ; donc la pâte ne peut fermenter d’elle-même.

3°. Elle peut fermenter, nous dira-t-on, si ce n’est à l’aide de l’eau, du moins à l’aide de la fluidité que doit procurer au miel la chaleur qu’on fait éprouver à la pâte en l’exposant sous le four. Ne voit-on pas le miel, pendant l’été, se ramollir, se liquéfier et fermenter ?

Mais la chaleur du dessous du four, en supposant qu’elle puisse donner au miel pur cette fluidité qui détermineroit cette fermentation spontanée, quelle fluidité donne-t-elle à ce composé presque solide, à cette pâte de pain d’épice ? Car ce n’est plus du miel pur ; elle ne peut, cette chaleur, que donner au miel, la facilité de s’enfoncer, de se fixer davantage dans chaque molécule de farine.

Quant à l’exemple qu’on peut alléguer du miel aigri par la chaleur de l’été, je crois que l’humidité que le miel attire à sa surface, et que la chaleur y élève