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premier cas, la chair est trop muqueuse ; dans le second, elle est trop coriace, trop sèche, pour être mangée. Ainsi il vaut mieux la mettre au pot ; et, servie sur la table avec des légumes, elle devient d’un grand profit.

On a attribué beaucoup de propriétés à la graisse d’oie employée à l’extérieur. Dépouillée, par la liquéfaction au feu, de ses matières albumineuses et de son humidité surabondante, elle acquiert une sorte de consistance, la faculté de se garder pendant un certain temps, et de servir à accommoder les viandes, et même à confire les cuisses d’oie. Chez les Romains, elle passoit pour quelque chose d’exquis. Les peaux et les membranes qui restent sur la passoire sont également mises dans des pots, pour en faire, pendant l’été, les soupes des gens de la ferme.

Au reste, la chair et la graisse d’oie servent aux mêmes usages que celle de porc, dans la majeure partie de la France ; le journalier en fait la soupe toute l’année, et le riche en assaisonne les mets délicats qui couvrent sa table. Les cœurs d’oies cuits sur le gril, sont un excellent manger. Les pattes cuites à demi, et frites ensuite, de même que les langues, méritent de trouver place dans l’Almanach des gourmands.

Les oies gorgées donnent des foies très-volumineux qui pèsent quelquefois jusqu’à une livre et demie ; ils sont d’un blanc pâle, et très-délicats ; cependant ils ne valent pas, pour le goût, les foies de canards. En les gardant un certain temps, ils contractent une teinte rougeâtre, ce qui les fait rejeter des cuisiniers ; mais, si les foies d’oies sont une bonne spéculation pour ceux qui les engraissent, le bénéfice des pâtissiers est encore plus considérable. Il en existe tout au plus trois à quatre, à Strasbourg, qui jouissent à cet égard d’une grande réputation ; ils envoient de ces pâtés jusqu’à Pétersbourg, et font entrer dans leurs comptoirs plus de cinquante mille écus par an : ces foies, remplis d’une graisse fine et délicate, conservent le parfum des aromates dont on assaisonne les pâtés, parmi lesquels la truffe du Périgord joue le premier rôle.

On a vu une de nos reines dépenser quinze cents livres pour engraisser trois oies dont elle vouloit rendre les foies plus délicats.

Les oies fournissent une fiente qu’on peut compter parmi les moyens d’engrais les plus puissans. On a prétendu, il est vrai, qu’elle étoit corrosive, et brûloit l’herbe sur laquelle l’oiseau la déposoit ; il est bien possible qu’une trop grande quantité de cet engrais, appliqué immédiatement sur les prairies, soit capable de leur nuire, comme cela arrive pour les engrais des autres volailles, qu’on emploie également sans proportion ni modification.

Ce n’est donc pas de l’engrais même contre lequel on est en droit de se plaindre, mais plutôt du mauvais usage qu’on en fait ; il seroit donc nécessaire, pour en tirer un meilleur parti, de le faire préalablement sécher et réduire à l’état de poudrette, ou bien de le mélanger avec d’autres engrais qui brideroient son action trop vive.

Indépendamment des deux maladies qui affectent communément l’oie, et pour lesquelles Rozier a indiqué les rémèdes, le froid et le brouillard sont très contraires à cet oiseau. On doit avoir soin, quand il est encore jeune, de ne le laisser sortir que par le beau temps, lorsqu’il peut aller chercher sa nourriture sans guide. Quand une pareille cause l’affecte, on lui administre une boisson tonique ; mais la farine d’orge est excellente.

Un autre fléau non moins redoutable