des seaux dans les champs, et qu’on y répand ou par manière d’arrosement, ou en la faisant couler dans les rigoles où l’on doit semer, ou en en mettant une certaine quantité dans les fosses qu’on destine aux cotonniers ; cette bouillie, dis-je, rend la terre très-fertile. Il ne nous appartient pas de décider si c’est la meilleure façon d’employer le ta-feu, mais, comme c’est la plus sensible et la plus dégoûtante, il paroît difficile de croire qu’elle se fût conservée, si elle n’avoit de grands avantages. La seconde, qui pourroit prendre plus aisément en France, et enrichir les campagnes de ce qui est plus à charge dans les villes, consiste à jeter les vidanges des fosses d’aisances dans de grands creux découverts, d’où on les tire pour les mêler avec une troisième partie de terre grasse ou franche, qu’on coule ensuite en forme de tartes ou galettes, qu’on fait sécher au grand air, et qu’on transporte après où l’on veut[1]. Si ce commerce, qui nourrit à Pékin tant de monde, prenoit jamais à Paris et dans toutes les villes, il y mettroit plus de propreté, délivreroit les rivières de l’infection des vidanges, et procureroit à nos campagnes un excellent engrais ; l’idée en paroîtra ridicule, mais le fait est certain. Les galettes de ta-feu et de terres grasses, bien loin de puer quand elles sont sèches, ont une odeur de violette qui est agréable ; on les concasse et on les met en poussière pour les répandre dans les champs. »
« Si le témoignage de l’expérience mérite d’être écouté, il est démontré que le ta-feu est le plus utile, le plus efficace et le plus fort des engrais, sur-tout pour les terres grasses et humides. Comme rien de tout ce qui intéresse la chose publique n’est bas et vil que pour les petites ames et les cœurs étroits, nous observerons, en finissant, qu’au dire des Chinois, quand on inonde un champ pour l’améliorer, c’est le meilleur temps pour y porter beaucoup de ta-feu. L’eau le délaie, et l’incorpore à la terre, de manière à la fortifier pour plusieurs années. Nous avons dit d’y mettre beaucoup de ta-feu, parce que, dans ce cas, on peut en doubler ou tripler même la quantité, sans craindre d’excéder. La pratique générale est d’en mettre au moins le double ; ce qui se pratique aussi pour les autres engrais et fumiers, parce que l’eau qui les dissout les affoiblit, ou plutôt retarde leur effet, et le fait durer plusieurs années. Que ceux qui ont à cœur la perfection de notre agriculture voient comment elle pourroit s’approprier toutes ces pratiques.
Lord Macarteney, dans son Voyage en Chine, tome II, page 38, confirme ce que les Missionnaires nous ont appris sur cette partie de l’économie rurale chinoise. « La terre étoit fumée (dit-il) non avec de la fiente d’animaux, mais avec nos matières qui répugnent davantage à des sens, et dont on ne se sert pas communément en Angleterre, dans les travaux de l’agriculture. On voyoit des vases de poterie enfoncés dans la terre pour recevoir cette sorte d’engrais, ainsi que pour contenir le liquide qui lui est analogue, et dans lequel on fait tremper le grain avant de le semer, parce qu’on imagine que cette opération accélère la croissance de la plante, et empêche les insectes de la piquer
- ↑ On a vu dans le passage d’Eben el Awam, cité plus haut, que cette méthode étoit usitée parmi les Mores d’Espagne, avec cette seule différence, qu’ils ajoutoient une certaine quantité de fiente d’oiseaux. Ce mélange absorboit la mauvaise odeur des matières fécales ; ce fait, rapporté par Eben el Awam, est confirmé par ce qu’on va lire dans le texte des Missionnaires chinois.