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L’eau qui s’échappe de ces matières est soigneusement conduite sur les champs, et leur procure une grande fécondité.

On connoît dans quelques cantons du Portugal et de l’Italie, l’usage des matières fécales comme engrais ; mais leur emploi est très-borné : on peut en dire autant de l’Allemagne. Les propriétaires des maisons, à Coimbre, en Portugal, en retirent un petit bénéfice, soit en argent, soit en faisant un accord avec les cultivateurs qui leur donnent en échange quelques provisions de ménage.

Les Anglais mettent peu à profit ces sortes de matières. On trouve cependant, dans l’État de l’agriculture de Middlesex, publié à Londres en 1798, le passage dont nous donnons ici la traduction : « On a introduit un nouveau genre d’engrais depuis un petit nombre d’années ; ou avoit coutume, avant cette époque, de jeter les matières extraites des fosses d’aisances de Londres, dans de grands trous que l’on creusoit aux environs de cette ville. Elles étoient ainsi perdues pour l’agriculture, tandis qu’aujourd’hui on les emploie en les mélangeant avec des terres, et même quelquefois avec de la chaux. On peut voir ce travail, qui s’exécute en grand au nord de la nouvelle route, entre Marybone et Poddington. »

Les matières fécales sont employées, dans plusieurs cantons de la France, principalement dans les ci-devant provinces de Flandre, d’Artois, dans le Hainault, la Normandie, la Provence, etc. Leur usage est général dans la Flandre où elles sont désignées sous le nom de courte-graisse ; souvent on les mélange avec l’urine et les excrémens des bestiaux, et une quantité plus ou moins considérable d’eau. On construit, dans les champs, des fosses ou citernes couvertes en forme de voute, ou en paille, afin d’empêcher l’évaporation ; c’est dans ces réservoirs que l’on jette les matières fécales, en ajoutant la quantité d’eau nécessaire. Après les avoir ainsi laissé fermenter, on les retire de la fosse ; on les transvase dans les tonneaux défoncés, qu’on transporte dans les champs sur des brouettes ou sur des charrettes, selon la distance plus ou moins grande du terrain sur lequel elles doivent être employées. L’ouvrier les répand sur la surface du sol, en les jetant autour de lui à une grande distance, par le moyen d’un vase à long manche.

On sait avec quel soin on ramasse les excrémens humains dans toutes les villes de Flandre ; on vide tous les quinze jours les latrines, et leur produit est calculé, dans la plupart des maisons, comme une partie des salaires payés aux domestiques.

Les matières fécales ne sont pas ramassées avec moins de soin en Provence qu’en Flandre. Dans les villages de cette partie méridionale de la France, on les répand sur des tas de fumier que l’on forme dans les cours ou dans les rues ; on les recouvre de paille, d’herbes, de feuilles, etc., et, lorsque ces substances ont été foulées sous les pieds des passans, on les remue afin de rendre leur mélange plus homogène. Quelques cultivateurs jettent les excrémens dans l’eau destinée aux irrigations ; ils sont ainsi délayés et entraînés sur les champs qu’on veut arroser.

Les Chinois, qui sont très-soigneux pour tout ce qui tient au détail de l’économie rurale, regardent les excrémens humains, nommés dans leur langue ta-feu, comme le plus excellent des engrais. « Il y a deux manières d’employer le ta-feu : (est-il dit dans les Mémoires Concernant les Chinois, tom. II, p. 612) la première consiste à l’accumuler dans des fossés, et puis verser dessus une assez grande quantité d’eau pour qu’étant bien délayé, il ne fasse plus qu’une bouillie très-claire. Cette bouillie, qu’on porte dans