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meubler les cabanes des lapins. C’est une erreur de dire que les lapins ne boivent pas ; cela ne leur arrive en effet que rarement, mais ils cherchent à se désaltérer pendant les chaleurs, et lorsqu’ils n’ont à manger que des grains ou des plantes sèches. Au surplus, le vrai moyen de conserver ces animaux sains et vigoureux, c’est d’entretenir dans leurs loges une extrême propreté.

C’est ordinairement à l’âge de cinq ou six mois que les lapines entrent en chaleur ; si l’on veut conserver de belles races, l’on fera bien d’attendre que ces femelles aient atteint un an et plus. On reconnoît le moment de la chaleur au gonflement et à la teinte bleuâtre des parties génitales. La femelle qui présente ces signes, est portée dans la loge du mâle, que l’on ne laisse jamais vivre librement avec les femelles, ou l’on fait entrer le mâle dans la sienne ; on les laisse ensemble pendant deux ou trois heures. Trente ou trente-un jours après, la femelle met bas de quatre à huit petits. Quelques jours auparavant, on lui prépare une couche de paille fraîche et douce qu’elle arrange pour y déposer sa progéniture ; au bout d’un mois environ, les lapereaux sont enlevés à leur mère, et mis ensemble dans une loge séparée, où on leur donne du bon foin, de l’orge, de l’avoine, des pommes de terre crues ou cuites, coupées par tranches, des croûtes de pain dur, cassées ou broyées, etc. ; mais il faut éviter de leur présenter, dans le premier âge, des herbes fraîches, des légumes et même du son, à moins qu’il ne soit mêlé avec de l’orge ou de l’avoine. Les portées de plusieurs femelles peuvent être rassemblées dans la même loge, pendant six semaines ou deux mois ; au troisième mois, on sépare les mâles pour être placés dans une loge particulière.

La fécondité des lapines ne va guères au delà de cinq à six ans ; les mâles sont plus tôt épuisés, et leur vigueur est presque entièrement perdue à quatre ans. Il est des femelles, sur-tout quand elles ont trop d’embonpoint, qui refusent de prendre le mâle ; on les provoque, en leur faisant manger du céleri ou d’autres plantes échauffantes. Mais, quoique, en général, les lapines soient presque toujours en état de recevoir le mâle, et qu’elles puissent porter sept à huit fois par an, il est plus convenable de ne point abuser de leur fécondité et de se contenter de trois ou quatre portées l’année, si l’on veut en obtenir de plus beaux produits : alors on laisse les petits avec leurs mères durant quarante ou cinquante jours. Les lapereaux sont bons à manger à trois ou quatre mois ; si on attend jusqu’à six, ils auront la chair plus ferme, mais de meilleur goût.

L’éducation des lapins domestiques convient à l’habitant de la campagne comme au citadin, au riche comme au pauvre ; tous recueilleront des bénéfices assurés, en se livrant aux soins fort peu embarrassans de cette éducation, et l’économie publique en retirera de grands avantages. Les moyens de nourrir les lapins sont à la portée de tout le monde : ces animaux mangent non seulement le grain, le son, le foin, les croûtes de pain, etc., ils s’accommodent aussi fort bien des choux et de toutes les plantes légumineuses, des fruits sains ou gâtés, des pommes de terre et d’autres racines, des feuilles et bourgeons de vigne et d’orme, des feuilles de bruyères et de genêt, des feuilles et baies de genièvre et de prunellier, du laiteron, de la laitue romaine, de la mauve, du pissenlit, du séneçon, du liseron, du marrube, de la renouée, du persil, de l’estragon, de la pimprenelle, de l’angélique, du céleri, du fenouil, etc., etc. ; ils se soucient peu de laitue pommée, de panais, de camomille, de bouleau. J’ai vu dernièrement (1804) à Vincennes, chez M. Sue, professeur et bibliothécaire de l’École de Médecine de Paris, des lapins