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de quinze pieds de long, sur treize de hauteur.

Une portion de graines tombe sur le sol, et sert à entretenir et à multiplier les plantes en abondance ; de sorte qu’une fois formée, cette plantation donne chaque année des fleurs et des graines, ce qui a fait croire à M. Delys, comme à plusieurs personnes, que la julienne est une plante vivace, bien que, dans le vrai, elle ne soit que bisannuelle ; mais, lorsqu’on en fait un objet de grande culture, elle produit les mêmes effets qu’une plante vivace.

La seule culture qu’exige la julienne consiste à lui donner, au commencement du printemps, un sarclage qui la débarrasse des herbes inutiles, et à remplacer les pieds qui auroient péri par des éclats détachés des touffes existantes. On l’abandonne ensuite à elle-même ; et, comme je l’ai dit, elle se soutient et se renouvelle sans aucun autre soin. Depuis dix ans que mon terrain a été ensemencé de julienne, il n’a cessé de produire avec la même vigueur et le même bénéfice.

Il est important de remarquer que les froids les plus rigoureux de nos hivers n’ont point endommagé ma julienne dans une contrée (la Lorraine) où ils se font sentir plus vivement qu’au centre de la France. Le goût âcre de toutes les parties de cette plante en écarte les insectes, et je ne me suis jamais apperçu qu’elle en fût attaquée d’une manière sensible.

Afin de ne rien omettre de ce qui peut servir à propager une culture utile, je vais rapporter un extrait du Mémoire de M. l’abbé Delys.

« Quand il s’agit de semer la graine de la julienne, on peut ménager le terrain, en la semant dans le même champ où on vient de semer de l’avoine. Si on n’a pas besoin du terrain, après la récolte de l’avoine, on peut y laisser la plante de julienne pendant toute l’automne, parce qu’elle s’y fortifiera. Si, après l’hiver, on veut laisser le terrain chargé de la plante, on pourra, au mois de mars, eu tirer les plantes superflues, pour en former une autre plantation.

» On fera bien cependant, pour se procurer d’abord des plantes, de semer la graine de julienne séparément de toute autre. On réservera pour la seconde année l’épreuve du jet de la semence, dans une terre semée en avoine, ou encore mieux, en blé sarrasin. On croit qu’elle réussiroit mieux étant semée dans un champ chargé de blé sarrasin, vulgairement appelé bancuit en Artois, parce qu’elle seroit moins exposée à être étouffée que par les fanes de l’avoine, si elle étoit semée dans un champ avété de ce grain, parce qu’on n’auroit pas à craindre que la plante fût arrachée par ceux qui vont cueillir des herbes pour les donner à leurs vaches : le sarrasin, en effet, étant semé plus tard, il vient peu d’herbes, et dans ce temps il n’est plus permis d’entrer dans les champs ensemencés.

» Soit qu’on sème la julienne dans un champ d’avoine, ou dans un champ de blé sarrasin, il ne faut la semer que quand la houe a formé les sillons, et herser une seconde fois après avoir semé la julienne. Il est inutile d’avertir le cultivateur que la graine de julienne doit être bien éparse en la semant, et répandue eu moindre quantité que l’œillette ou pavot, dont on est obligé de retrancher beaucoup de plantes avec la houe… En plantant les pieds de julienne à la distance de sept à huit pouces en tout sens, ils deviendront forts et produiront beaucoup de tiges ; d’ailleurs, les intervalles seront utiles pour recevoir les graines qui pourroient tomber des