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moins propres à être ensemencées en avoine après l’hiver.

Dans l’espoir de tirer quelque parti de plusieurs pièces de terre alternées en seigle, dont les grains avoient été répandus sur le sol par la grêle, M. Yvart avoit commencé à en labourer quelques unes, comptant obtenir du fourrage par ce moyen ; mais il a cru devoir suspendre son opération jusqu’à l’époque ordinaire des semailles, persuadé que le grain enfoui alors donneroit, l’année suivante, une récolte passable en grains ; et sa conjecture a été vérifiée ; mais l’orge et l’avoine ont rarement du succès dans ce cas, parce que la moindre gelée saisit ces grains lorsqu’ils germent ; quelquefois même, quoique bien levés, ils périssent par le froid et l’humidité.

Il a tenté avec succès un autre moyen pour profiter de l’orge et de l’avoine inséminés sur le sol par la grêle ; il consiste à faire manger ces grains par des dindons, des oies et autres volailles, ou bien par des cochons, en les conduisant sur les lieux, et les y faisant garder : on sait que cette nourriture les engraisse promptement.

Quoiqu’une récolte médiocre en grain soit toujours plus avantageuse que la meilleure en fourrage, j’observe que ce mode de semailles aura toujours des inconvéniens, ceux, entr’autres, de ne pouvoir évaluer que par apperçu la quantité de semence, d’enterrer en même temps une foule de mauvaises graines qu’on auroit séparées par le van, par le crible, et d’être exposé à en perdre beaucoup, par les dégâts des oiseaux, jusqu’au moment des semailles.

Les cultivateurs revenus de leur premier effroi, n’ont pas un moment à perdre pour se procurer la plus grande quantité de fourrage ; ils doivent se presser de faucher les prairies artificielles qui ont été froissées et hachées sous les coups redoublés des glaçons ; c’est un moyen d’accélérer la renaissance du feuillage, et d’augmenter le regain.

L’orge fomentée, ou sucrion, hordem nudum, lève très-promptement, et il ne seroit pas impossible qu’elle vînt encore à maturité avant l’hiver. L’escourgeon pourroit être cultivé également avec avantage, et fauché avant l’hiver.

On peut encore semer jusqu’en septembre, pour obtenir un fourrage de bonne qualité et très-propre à la nourriture des moutons, la graine de spergule : la manière de cultiver cette plante, qui est peu connue des agriculteurs de quelques départemens, est décrite dans ce Supplément. La réussite en est assurée si la saison favorise sa prompte germination ; ensemencée avec les vesces, les lentillons et les pois gris, elle fournit un fourrage abondant.

La gesse blanche peut fournir un très-bon fourrage, et grener avant les gelées, pour être mangée en vert comme les petits pois.

La chicorée sauvage est du nombre des plantes qui pourroient encore être semées à cette époque critique ; et, en supposant qu’il fût trop tard pour en obtenir une récolte en automne, ce seroit au moins une ressource pour le commencement du printemps suivant.

Le blé noir de Tartarie, qui n’est qu’une variété du sarrasin ordinaire, et qui mériteroit de lui être préféré à cause de sa précocité, de son abondance, soit en grains, soit en feuillages, le blé de Tartarie présente encore l’espérance d’un succès assuré ; il résiste à la pelée et à l’humidité : l’une et l’autre espèces peuvent également réussir, et offrir les mêmes ressources.

Le maïs ou blé de Turquie, pourvu qu’il n’ait pas été séché au four, est, sans contredit, un des meilleurs fourrages qu’on puisse procurer aux bestiaux ; il faudra le semer plus dru que lorsqu’il s’agit d’en récolter le grain ; et, en le cou-