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loge ; si on laisse un sac de cette graine pendant deux ans sans y toucher, on le trouve quelquefois entièrement perdu, et la totalité de la graine qu’il contient, réduite ainsi en pelotes par le travail de ces insectes.

Durée des graines. La germination des graines s’opère plus ou moins promptement, à raison de la solidité de l’enveloppe qui les recouvre, de la chaleur du climat, de la sécheresse ou de l’humidité du sol, de la saison, de l’aspect et du pays où elles ont été récoltées ; elle présente à cet égard des singularités remarquables, dont il n’est guères possible, même à l’homme le plus instruit en ce genre, de rendre toujours raison ; il y a des graines qui perdent la faculté de germer dès qu’elles sont parvenues à maturité ; il en est d’autres au contraire qui la conservent cinquante ans et plus. On a vu germer du seigle qui avoit cent quarante ans ; à la vérité, cette observation, répétée par tous les écrivains en économie rurale, n’a déterminé aucun à l’essayer ; d’ailleurs, a-t-on suivi assez exactement ce grain dans les différens périodes de la végétation, pour savoir s’il pouvoit réellement les parcourir ?

L’ouvrage de Miller contient la liste des graines qu’il faut semer immédiatement après leur maturité, et celles dont il est possible de conserver la faculté reproductive pendant un certain temps, toutefois en les gardant avec soin ; car souvent on a prononcé sur la durée des graines, d’après seulement quelques petits essais entrepris sur des semences défectueuses.

Un grand nombre de cultivateurs sont persuadés, par exemple, que la graine de panais, d’angélique, de salsifis, de scorsonère, de fenouil, d’anis et autres de la même famille, ne lèvent pas la seconde année ; mais Vilmorin assure, d’après sa propre expérience, que ces graines, récoltées sur des plantes vigoureuses, parfaitement mûres, bien conservées et semées avec le soin qu’elles exigent, lèvent au bout de deux ans ; les choux, les navets, les raves, les radis, les cressons, les chicorées, les bourraches, les capucines et autres du même genre, germent jusque dans la cinquième année ; le terme ordinaire de la vie des germes est entre quatre et huit ans. Quoiqu’on puisse énoncer comme une proposition générale que les graines nouvelles sont préférables aux anciennes, cependant, parmi celles de plantes potagères et de quelques plantes à fleurs doubles, il en est qu’on aime mieux semer lorsqu’elles ont deux, trois et même quatre ans, parce qu’on a remarque que les plantes, comme les choux fleurs, les choux pommés, les chicorées, les laitues qui provenoient des graines nouvelles, s’emportoient beaucoup plus, selon l’expression des jardiniers, mouroient plus vite en graine que celles produites par de vieilles semences, et que les balsamines, les giroflées, l’œillet de la Chine, etc., portoient moins de fleurs doubles, lorsque les graines auxquelles elles devoient leur naissance étoient trop récentes. Cette double observation présente un phénomène singulier, dont l’explication est très-facile à donner : il est évident que l’embonpoint des plantes potagères ou des fleurs doubles est une monstruosité occasionnée par le défaut d’énergie des plantes pour la reproduction des semences.

Il est certain que des semences perdent nécessairement, chaque année, une petite quantité de cet esprit séminal, spermatique dont elles sont les réservoirs naturels, de cet esprit qui constitue la force des individus sauvages du règne végétal, ainsi que du règne animal, et qui semble s’opposer à cet état d’obésité qui les caractérise, à mesure qu’ils en sont privés.

Cela posé, il n’est plus étonnant que des graines qui, remplies du principe vivifiant, auroient produit, dans leurs