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de propriétaires ou d’actionnaires, parce qu’elles exigent de forts capitaux.

Le dessèchement fait, il faut l’entretenir, car les eaux sont un ennemi contre lequel il faut toujours être en garde. Quand on lui permet la plus petite invasion, il est bientôt maître du terrain.

Il résulte de ces faits, que,

1°. Si l’acte d’association n’est pas bien et clairement rédigé, la division se met parmi les actionnaires ; on plaide, on perd du temps, et c’en est fait de l’entreprise. Ces exemples ne sont que trop multipliés sur tout le sol français.

2°. L’entreprise et les travaux effectués, il faut des agens pour les entretenir, il faut continuer l’acte de société. Les premiers dessécheurs vendent ou meurent. Leurs successeurs n’ont ni les mêmes vues, ni les mêmes lumières ; ils ont cru jouir sans peine, sans frais, et acquérir un bénéfice simple. Il en est autrement : il faut des contributions annuelles, il faut des travaux sans cesse renaissans ; il faut des règlemens, des statuts, qui déterminent les droits de la société sur les actionnaires, ceux des actionnaires vis-à-vis de la société ; enfin, les droits des actionnaires entr’eux, la compétence, les pouvoirs des syndics, directeurs et maîtres des digues, commissaires, etc., etc.

En vain j’aurois tracé les moyens les plus assurés de faire un dessèchement, si les opérations étoient contrariées par le choc des volontés et des intérêts, qui s’opposent plus souvent aux dessèchemens que les eaux mêmes qui les inondent.

Il s’agit ici de plus de la centième partie du territoire français, qui représente la surface d’un grand département, et sûrement d’un des plus fertiles.

On ne sera donc point étonné de trouver, dans un ouvrage agricole, un projet de règlement qui intéresse si essentiellement l’agriculture française. D’ailleurs, j’ai cherché, dans les différens articles sur les dessèchemens, insérés dans ce Supplément, à donner un traité complet sur cette partie.

Mon travail seroit inutile, si, après avoir indiqué aux agriculteurs les moyens d’opérer de grands dessèchemens, je ne leur donnois celui de les conserver et d’en jouir utilement pour eux et pour l’État. Je sais que je ne dois point toucher ici à la partie administrative et judiciaire ; elle appartient au gouvernement seul qui saura bien en tracer les règles dans le Code rural, ou plutôt dans un code particulier sur le régime et l’administration des eaux.

Ce grand travail est fait dans les belles ordonnances que la sagesse de Sully et le génie de Henri IV ont dictées à eux et à leurs successeurs, en 1607, 1610, 1613, 1641, 1643, 1645, 1654 ;

Dans l’édit du roi pour la construction du canal de Languedoc, de 1644 ;

Enfin, dans l’ordonnance des eaux et forêts, de 1667.

Puisse un code général de l’administration des eaux, nous retracer bientôt les dispositions de ces belles ordonnances dont l’esprit est trop méconnu ! Il semble qu’on ait oublié que la navigation intérieure, les dessèchemens, les irrigations, les usines, demandent un système d’administration tout particulier. L’eau a l’utilité, mais aussi la rapidité de la flamme ; ses ravages ne sont pas moins funestes que ceux d’un incendie. On ne peut donc suivre ici la forme de la justice ordinaire ou de la police rurale.

Mais je sens que je dois m’arrêter. Il est des vérités, fortement senties, qui échappent comme malgré nous. Rentrons dans notre sujet, les règlemens nécessaires à l’administration d’un dessèchement.

Acte d’association.

Droits de la société et des dessécheurs. Les propriétaires d’un dessèchement for-