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d’une levure d’environ un pied de diamètre, que l’on enlève avec la hache sur le tronc d’un arbre, et à laquelle on donne une forme un peu creuse. Quelques heures après le coucher des coqs de bruyère, on allume ces brandons, et un homme, portant sur sa tête le plateau sur lequel ils sont rangés, chemine vers les arbres désignés par les observateurs comme la retraite des oiseaux ; le tireur caché derrière le porte-feu s’avance avec lui, et, à la clarté des brandons, choisit et tue les coqs d’autant plus aisément qu’ils préfèrent pour percher pendant la nuit, les pins et les hêtres plutôt que les sapins beaucoup plus élevés, et où ils seroient hors de portée. Le succès de cette chasse dépend d’une grande connoissance des lieux et des habitudes des coqs de bruyère : lorsqu’on en découvre plusieurs sur le même arbre, on peut espérer de les tirer, en commençant par les plus bas perchés ; car si l’on tuoit d’abord un des plus élevés, il feroit partir les autres en tombant parmi eux. On ne doit point tenter cette expédition par le clair de lune, ni revenir avant quinze jours ou trois semaines dans le même quartier de la forêt ; il faut laisser aux oiseaux à peu près cet espace de temps pour se rassurer contre l’apparition du feu.

On chasse quelquefois les jeunes coqs de bruyère avec un chien de plaine, dans les mois de septembre et d’octobre. Dans cette saison, ils fréquentent les taillis de la moyenne région des montagnes, où ils cherchent des fruits sauvages et différentes baies propres à leur nourriture, ce qu’ils font de grand matin et le soir à l’entrée de la nuit. Hors ces heures, ils se cantonnent dans les endroits les plus fourrés du bois, où il est malaisé de pénétrer et plus malaisé encore de les tirer.

En hiver, lorsque la terre est couverte de neige, on tend des pièges pour prendre des coqs de bruyère vivans. Les plus usités sont des quatre de chiffres qui supportent de larges pierres creusées en gouttière. (S.)

COQ (le petit) DE BRUYERE. (Tetrao tetrix Lin. Petit tétras ou coq de bruyère à queue fourchue de l’Histoire Naturelle de Buffon.) Cet oiseau, plus petit que le précédent, ne surpasse guères le faisan en grosseur ; son plumage noir réflète du violet et du vert ; il porte, comme le grand coq de bruyère, une tache blanche aux épaules et une bandelette également blanche sur les ailes : sa gorge est aussi de cette couleur. Il a, du reste, les plumes des jambes et des pieds variées de noir et de blanc, une peau nue et d’un rouge vif, qui forme un croissant au dessus de l’œil, les pieds noirs et la queue très-fourchue. Des traits noirs et déliés traversent le fond roussâtre du plumage de la femelle, dont la taille est plus petite et la queue moins fourchue que celle du mâle ; un gris blanchâtre teint sa gorge et le dessous de son corps ; les plus grandes plumes de ses ailes sont brunes, et les moyennes blanches.

Ces oiseaux, habitans des forêts en montagnes, se nourrissent de glands, de faines, de bourgeons de bouleau et de chatons de coudrier, de baies de bruyère et de différentes espèces de grains. C’est à la fin de l’hiver qu’ils ressentent les feux de l’amour, et que les mâles, après s’être battus entr’eux pour la possession de plusieurs femelles, avec une fureur inconcevable, font devancer leurs jouissances par des clameurs aussi retentissantes et des mouvemens presqu’aussi bisarres que le grand coq de bruyère. Les femelles ne mettent pas plus d’apprêts à leur ponte que celles de la grande espèce ; mais cette ponte, moins nombreuse, ne se compose que