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faut toujours leur donner au moins cinq décimètres (quinze à dix-huit pouces) de profondeur sur les terrains les plus solides.

L’épaisseur des fondations est aussi un des élémens de leur solidité ; on la déterminera d’après la hauteur de l’édifice qu’elles doivent supporter, et à la qualité des matériaux employés dans sa construction. Cette épaisseur sera d’autant plus grande, que cet édifice sera plus élevé, et que les matériaux auront moins de qualité.

Lorsque l’épaisseur des murs d’un édifice est fixée, il est bon d’ajouter à celle de leurs fondations une surépaisseur intérieure et extérieure d’environ un décimètre (trois pouces) pour consolider encore davantage l’assiette de leur nette maçonnerie : cette surépaisseur est connue, en architecture, sous le nom de retraite, et doit être arrêtée à environ deux décimètres (six pouces) en contre-bas du terrain environnant, afin d’éviter sa dégradation extérieure.

§. II. Choix des matériaux. Nous habitons le sol même où les Romains et nos ancêtres ont laissé des monumens durables de l’art et du génie de leurs architectes ; nous possédons des pierres de taille, des moellons, des pierres à chaux, du sable ; nous avons de plus qu’eux, dans certaines localités, des carrières abondantes de gypse, avec lequel on fabrique le plâtre ; nous connoissons l’art de faire des briques cuites et crues, de construire en béton et en pisé ; enfin, nous avons en abondance des bois, des fers, des ardoises, etc. ; et, si nous sommes privés du bitume de Babylone, les ouvrages mêmes des Romains, et les recherches de Loriot, de la Faye, d’Étienne, et de Mongez, nous ont enseigné les moyens de le suppléer dans les circonstances où son usage est nécessaire. À l’exemple des Romains, nous pourrions donc, avec les différentes substances qui se trouvent dans les divers départemens de la France, former des matériaux avec lesquels nous pourrions construire des édifices sans défaut, et qui dureroient éternellement, si on les bâtissoit dans un aplomb parfait ; et, si les constructions modernes ne présentent pas cette solidité qui caractérise les ouvrages des Romains, et même ceux de nos ancêtres, on ne doit attribuer ce défaut qu’au mauvais emploi de ces matériaux.


§. III. Meilleure manière d’employer les matériaux disponibles dans les constructions rurales.


1°. Dans les maçonneries. D’abord, nous employons, en général, dans les maçonneries, des pierres trop fraîchement tirées des carrières. Les Romains (et même nos ancêtres, à leur exemple,) exigeoient deux années pour la dessiccation des pierres et des moellons, avant d’être employés dans les constructions» (Vitruve, Liv. II, Chap. VII.)

2°. Il est rare que, dans les campagnes, les maçonneries modernes aient cet aplomb parfait tant recommandé par Vitruve, pour leur, procurer fine durée éternelle.

3°. Nous employons, dans les constructions, des mortiers dont la qualité est bien inférieure à celle des mortiers que faisoient nos ancêtres. Cependant nous avons d’aussi bonne chaux, d’aussi bon sable qu’eux ; nous dosons, ou nous devons doser nos mortiers dans les mêmes proportions. Mais ils y mêloient toujours, comme le leur avoient enseigné les Romains, une partie de chaux vive, indépendante de la chaux infusée, et ils les employoient sur-le-champ.

Aujourd’hui, non seulement il n’entre point de chaux vive dans la composition des mortiers ordinaires, mais même les entrepreneurs se permettent trop souvent de n’y pas faire entrer toute la