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ce procédé ; et jusqu’à présent, on n’en a pas trouvé d’autre qui produisît un meilleur effet.

On observe aussi que l’albumine seule ne suffit pas toujours pour clarifier les liqueurs, malgré qu’on leur fasse éprouver une chaleur suffisante pour les faire bouillir, mais qu’il est nécessaire d’aider son action avec un acide, ou un sel avec excès d’acide. On peut apporter en preuve ce qui se passe, lors de la clarification du petit lait.

En effet, il est prouvé que c’est seulement lorsqu’on ajoute à ce fluide, au moment où il commence à bouillir, du taririte acidulé de potasse, ou du vinaigre, que l’albumine, avec laquelle il avoit été préalablement mêlé, se coagule et emporte avec elle la matière caseuse qui troubloit la transparence du sérum. On conçoit, au reste, que la quantité d’acide, qu’il convient d’ajouter dans ce cas, est toujours relative à l’état du fluide, et qu’il seroit ridicule de prétendre qu’on peut en fixer la dose d’une manière invariable.

La crème récente est avantageusement employée pour clarifier les liqueurs spiritueuses : une ou deux cuillerées par pinte suffisent pour opérer cet effet à froid dans l’espace de quelques heures ; mais comme dans cette clarification il reste toujours suspendu dans le fluide des molécules caseuses, à cause de leur grande ténuité, il faut nécessairement achever de les séparer par la filtration à la chausse, ou au papier ; on les filtre ensuite.

Enfin, on connoît des fluides qui, pour devenir clairs, n’ont besoin que d’éprouver une chaleur voisine de celle de l’eau bouillante ; ce sont principalement ceux qui ne doivent leur opacité qu’à des substances dont la solubilité ne peut être complète, qu’autant qu’on la facilite en élevant la température de leur dissolvant au dessus de l’état naturel.

Beaucoup de solutions salines sont dans ce cas ; et pour peu qu’on s’occupe de chimie, on a de fréquentes occasions d’en rencontrer de semblables.

La plupart des sucs de plantes nouvellement exprimés, peuvent encore être clarifiés en partie par la chaleur. Aussi le pharmacien est-il dans l’usage d’avoir recours à ce moyen, par rapport à ceux de ces sucs qui, à cause de leur épaisseur et de leur viscosité, ne sont pas susceptibles d’être filtrés.

Souvent il ne faut qu’un léger degré de chaleur, appliqué aux sucs exprimés et filtrés de certaines plantes, pour en troubler tout à coup la transparence ; alors il nage dans le liquide une matière floconneuse, blanchâtre, qui se rassemble au fond du vase. C’est cette matière que Rouelle le cadet considéroit comme la matière végéto-animale du froment, et que j’ai démontré, dès 1772, n’être qu’une substance comparable au blanc d’œuf ; ce qui prouve qu’on étoit sur la voie, à cette époque, pour inscrire l’albumine au nombre des produits du règne végétal.

Une observation importante, et sur laquelle je dois insister, c’est qu’en général il paroît absolument nécessaire de séparer le magma qui se forme dans la liqueur qu’on clarifie avec l’albumine, sur-tout lorsque, pour concentrer ces liqueurs, on a besoin de les évaporer à la faveur de l’ébullition ; sans cette précaution, on verroit ce même magma se dissoudre, et les liqueurs devenir plus troubles qu’elles ne l’étoient avant la clarification. C’est par une semblable raison que le bouillon de viande, que la ménagère a oublié d’écumer, conserve toujours un œil louche et qu’il n’est pas de garde.

Si l’emploi de l’albumine pour clarifier les sucs de certains végétaux est utile, il n’est pas exempt d’inconvéniens.

Un de ceux, entr’autres, qu’on a remar-