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qu’il n’en faut pour chauffer deux petites villes.

On peut faire du charbon avec toutes sortes de bois ; mais sa qualité varie selon les espèces de bois. Le charbon de bois dur donne beaucoup de chaleur ; mais il est sujet à pétiller ; ce qui peut avoir des inconvéniens : on préfère, en général, dans les usines, le charbon de bois tendre ; celui de bois blanc s’emploie dans la fabrication de la poudre.

On se sert, pour faire le charbon, de rondins de six à douze pouces de circonférence : tels sont ceux que produisent les taillis de dix-huit à vingt ans. Si le bois étoit trop gros, il faudroit le fendre ; ce qui augmente la dépense. Il y a plus de profit à exploiter le gros bois en bois de charpente, ou en bois de corde ; les branches servent à faire le charbon.

Le bois que l’on veut convertir en charbon ne doit être ni trop vert, ni trop sec : on est dans l’usage, lorsqu’il est abattu, de le laisser pendant un an dans la vente, ou dans l’ourdon. On le coupe de deux ou deux pieds et demi de longueur, lorsqu’il est destiné à faire le charbon pour les forges, et de deux pieds et demi ou trois pieds, pour l’usage ordinaire.

Les charbonniers appellent place à charbon, fosse à charbon, ou faulde, les lieux ou ils asseoient leurs fourneaux ; ils nomment fourneaux la pile de bois arrangée comme elle doit l’être pour en faire du charbon. Quand la pile n’est que commencée, ce n’est pas un fourneau, c’est une alumelle. Cuire le charbon, c’est brûler le bois au point où il doit l’être pour en faire du charbon.

Nous n’entrerons point ici dans le détail de la construction du fourneau ; la manière d’arranger le bois autour d’une perche placée au centre du fourneau est fort bien entendue pour faciliter l’action du feu dans toute la pile du bois rangé par étages, un peu obliquement vers le centre ou la perche. On met ordinairement quatre étages de bois, qui forment un cône. Un fourneau contient communément trente à quarante cordes de bois de jeunes taillis, et cinquante à soixante cordes de gros bois fendu : il y a plus d’avantage à faire de grands fourneaux, qu’à en faire de petits.

Lorsque le bois du fourneau est arrangé, on le bauge, c’est-à-dire qu’on le couvre de terre, ou de cendres ; on emploie à cet usage la terre qui se trouve aux environs du fourneau, qu’on a soin d’établir dans un endroit qui ne soit ni sablonneux, ni pierreux. Lorsque le fourneau est baugé, on y met le feu, et la fumée sort par une ouverture qu’on a eu soin de ménager au haut du cône. Le charbonnier sait, par l’expérience, le moment où il faut fermer cette ouverture ; sans cette précaution, le bois se convertiroit en cendres : c’est ordinairement au bout de dix, douze, ou quinze heures après que le feu a été mis au fourneau. Il ferme aussi celle par laquelle on a introduit le feu dans le bas du fourneau ; et, comme il faut cependant donner de l’air au fourneau, le charbonnier en perce la bauge avec le manche de sa pelle, dans dix ou douze endroits, vers le bas, qui est la partie du fourneau la moins échauffée.

Les raisons des pratiques que suivent les charbonniers, dans la construction de leur fourneau, et dans leur manière de conduire le feu, se présenteront d’elles-mêmes à ceux qui voudront considérer que, pour convertir le bois en charbon, il faut dissiper l’humidité du bois, et mettre en fusion sa partie grasse et inflammable qui ne s’échappe pas avec l’humidité ; il ne s’agit donc que de faire brûler le bois en partie. Or, pour brûler le bois jusqu’au point convenable, il faut commencer par établir, au