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ou trois mois après qu’elles ont été faites, et qu’elles ne produisent que pendant six mois ou environ, il est à propos d’en construire tous les deux mois, afin qu’elles se succèdent les unes aux autres, et qu’on ait, dans tous les temps, une provision assez grande de ce végétal, qui est d’un usage si répandu dans la cuisine. On peut en faire tout l’été en plein air, depuis le mois de mars jusqu’au mois de juillet, et le reste de l’année dans des caves. Le blanc que l’on tire de la démolition des vieilles meules sert à larder les nouvelles ; et comme il se conserve pendant long-temps au grenier lorsqu’on le tient dans un endroit sec, avec le fumier qui le renferme, il est très-rare qu’on n’en ait pas toujours au besoin.

Il est encore une autre sorte de couches à champignons que l’on pratique avec succès à la campagne, et dont la construction est fort simple. Elle consiste à creuser une fosse d’un pied de profondeur et de quatre pieds de large, sur une longueur indéfinie. On recouvre le fond de cette fosse d’un premier lit de vieux fumier, mêlé de feuilles sèches et d’immondices de cuisine, auquel on donne huit pouces d’épaisseur. Sur ce premier lit, on en établit un second de pareille épaisseur, avec des vannures et es criblures de différens grains, et particulièrement d’orge ; et celui-ci est surmonté d’un troisième et dernier lit, auquel on donne quatre pouces d’épaisseur, et qui est composé de terre et de terreau gras de couches nouvellement démolies. Bientôt cette masse s’affaisse et tombe au niveau de la terre ; elle donne naissance à une grande quantité de plantes dont les graines étoient contenues dans les criblures ou dans le terreau qui les recouvre ; on les laisse croître, excepté cependant les plantes vivaces qui, s’emparant du terrain, absorberoient toute son humidité, et seroient nuisibles à la végétation des champignons. Lorsque les espèces annuelles commencent à se dessécher, on voit bientôt paroître une grande quantité de champignons, qui se succèdent pendant deux ou trois mois. Ils sont ordinairement petits, blancs, fermes, cassans, et d’une odeur fort douce. Les vers les attaquent rarement, et ils sont en tout semblables à ceux qui croissent naturellement sur les hauts près, et qui sont si recherchés des cuisiniers.

Ces sortes de couches se pratiquent dans différentes saisons de l’année, mais plus ordinairement au printemps. La position qui leur est la plus favorable dans cette saison est celle du levant ; il convient de les arroser abondamment pendant les grandes chaleurs.

» Si la récolte excède la consommation que l’on peut faire de champignons, on peut conserver le surplus. On lave bien les champignons, on les enfile comme des chapelets, on les suspend en un lieu bien aéré, jusqu’à ce qu’ils soient secs ; ensuite on les enferme dans des boîtes ou sacs de papier, et on les tient sèchement. Lorsqu’on veut les employer, on les fait tremper quelques heures dans de l’eau tiède ; ils reviennent, et sont égaux ou peu inférieurs en bonté à ceux qui sont récemment cueillis. »

Outre les usages culinaires, on emploie les champignons à d’autres objets. L’amadou est la préparation d’une sorte de champignons, foulé après sa dessiccation, et dépouillé de la partie dure qui l’enveloppe.

Les Ostiaques et plusieurs peuplades de la Sibérie se procurent une ivresse avec l’sigaricus muscarius ; ils en mêlent la cendre à leur tabac pour le rendre plus piquant, et, après en avoir rempli leur nez, ils le bouchent avec de la raclure d’écorce de saule, ce qui leur cause une inflammation qui les préserve d’être ge-