pris tout leur accroissement, quoiqu’ils ne soient pas en état de voler avant trois mois ; on leur donne alors le nom de halbrans. Ceux qui naissent en Lorraine ont les ailes assez formées et assez fortes, au mois d’août, pour voler à la Saint-Laurent, (10 août) halbran volant, y dit-on proverbialement. Si l’on veut faire la distinction d’un jeune canard sauvage et d’un vieux, il suffit d’examiner les pattes ; celles du jeune oiseau sont d’un orangé pâle, au lieu que cette couleur est vive sur les jambes du vieux canard. En arrachant une des grosses plumes de l’aile, on connoît encore si le canard est jeune, à la mollesse et à la sanguinolente du bout de cette plume.
La voix du canard est, comme on sait, rauque et résonnante ; les femelles ont le babil plus varié et plus bruyant que les mâles. Ces oiseaux se nourrissent de petits poissons, de grenouilles, d’insectes, de blé, de glands, de denticule commune, et d’autres plantes aquatiques.
Veut-on n’être pas trompé lorsqu’on achète un canard, et ne pas être exposé à faire emplette d’un canard domestique au lieu d’un canard sauvage ? il faut savoir que les formes du canard sauvage sont plus élégantes que celles du canard domestique ; et cette différence tient au développement que le premier peut donner à toutes ses facultés, dans son état d’indépendance ; tandis que le second, réduit à se traîner dans l’esclavage et dans la fange, s’est déformé à l’extérieur, comme avili dans son instinct. Le canard sauvage se reconnoît encore aux écailles d’une grandeur égale, fines et lustrées, dont ses pieds sont recouverts, à ses jambes déliées, aux membranes moins épaisses, aux ongles moins obtus et plus luisans. Apprêté sur nos tables, il est aisé de ne pas le confondre avec le canard domestique, dont l’estomac forme un angle sensible, au lieu que cette partie est toujours arrondie dans le canard sauvage.
On peut élever des canards sauvages dans les basses-cours, soit en les y mettant fort jeunes, soit en faisant couver des œufs par une cane domestique. Les canetons s’apprivoisent assez bien ; mais si on ne prend pas la précaution de leur casser ou de leur brûler le fouet de l’aile, ils s’envolent et partent pour toujours, dès qu’ils ont pris toute leur force et toutes leurs plumes. J’ai vu, aux environs de Saarbruck, un étang appartenant au prince de ce nom, entièrement entouré de murs, dans lequel vivoit et multiplioit une multitude de canards sauvages que l’on avoit mis dans l’impuissance de voler.
Chasse du canard sauvage. L’excellence de la chair du canard sauvage en fait un mets très-recherché, et bien supérieur au canard domestique, pour le goût et pour le fumet. Par-tout, et principalement dans les grandes villes, on connoît ces pâtés qui font la gloire des pâtissiers de la ville d’Amiens ; c’est le canard sauvage qui en fait le corps et le mérite. Sous quelque forme, au reste, que cet oiseau paroisse sur nos tables, il y est toujours accueilli par les suffrages et l’appétit des gourmets.
Cette estime dont jouit le canard, assez fatale d’ailleurs, puisqu’il la paie de sa vie, a multiplié contre lui les pièges et les moyens de destruction. Chaque canton fréquenté de ce gibier a là-dessus ses routines ; chaque paysan a ses ressorts et ses pratiques. Je vais, sans trop m’appesantir sur les détails assez connus, présenter sinon toutes, du moins les plus efficaces et les plus généralement usitées des différentes chasses dont le canard est l’objet. L’instinct qui le ramène sans cesse sur les eaux, fixe nécessairement sur les bords des grèves et de tous les endroits marécageux, le principal théâtre de la guerre que l’homme lui déclare, et les habi-