Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 11.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par des sécheresses prolongées ; alors les cultivateurs ont recours à la cameline : elle ne trompe jamais leur attente, parce que, pouvant être semée beaucoup plus tard que ces plantes, et n’exigeant que trois mois au plus pour parcourir toutes les périodes de sa végétation, elle n’est pas exposée aux mêmes inconvéniens ; ce sont là de ces avantages qu’on ne sauroit assez apprécier dans les cantons où les gelées tardives anéantissent en un instant toutes les ressources des habitans.

Dans les environs de Montdidier, on ne sème presque toujours la cameline que sur les parties des pièces de froment où ce grain a manqué ; on est encore à temps de profiter de la ressource qu’offre cette plante, pour en couvrir les places vides dans le courant d’avril.

La cameline se cultive comme le lin, mais elle n’exige pas une aussi bonne terre. Après lui avoir donné deux labours avec un hersage, on sème à la volée ; on mêle la graine avec du sable, à cause de sa ténuité. Une mesure qui en contient environ deux livres suffit pour couvrir un arpent de cent perches, à vingt-deux pieds la perche ; les pieds doivent se trouver espacés d’environ six pouces les uns des autres, afin de multiplier davantage la graine.

Si la cameline est semée drue, elle étouffe toutes les autres plantes ; si elle est semée claire, il faut enlever les pieds, afin qu’elle n’en soit pas incommodée. Trois mois après l’ensemencement, la graine de cameline est mure, mais, pour la récolter, il ne faut pas attendre que les capsules soient parfaitement sèches, il suffit qu’elles commencent à jaunir ; autrement on seroit exposé à en perdre beaucoup. Cette graine est jaune, un peu oblongue, et exhale, à sa maturité, une odeur d’ail qu’elle perd par sa dessiccation ; elle ne conserve pas sa vertu germinative aussi longtemps que celle de beaucoup d’autres plantes, et ne réussit qu’étant semée un an après la récolte.

Des usages économiques de la cameline. Lorsque la graine est vannée, on l’envoie au moulin pour en tirer l’huile par l’expression ; cette huile est bonne à brûler, et a moins d’odeur que celle de colza ; cette dernière paroit cependant plus estimée, car sa graine se vend 13 francs, lorsque la même mesure de cameline ne vaut que 11 francs : l’huile qu’on en extrait suit à peu près les mêmes proportions. A la vérité, il semble que, depuis quelque temps, elle est plus recherchée, à cause vraisemblablement de ses usages plus multipliés. Plusieurs fabricans nous ont assuré qu’elle était employée aux vaisseaux, à la peinture, et surtout à l’éclairage, parce qu'elle a l’avantage de donner moins de fumée que les autres huiles dont on se sert dans les parties du nord de la France, pour le même objet ; on l’emploie encore dans la confection du savon, en hiver, de préférence aux autres huiles ; car, dans les temps chauds, elle n’a pas le même degré d’utilité ; mais c’est mal à propos que, dans quelques endroits, on appelle cette huile, huile de camomille, au lieu de cameline. La camomille est une plante fortement aromatique, d’une famille et d’une propriété bien différentes ; sa tige ne fournit pas de filasse, ni sa graine d’huile grasse.

Quand la tige de cameline est dépouillée de sa graine et séchée, on la conserve en tas, qu’on appelle moie ; on s’en sert pour se chauffer ; elle est aussi employée à la couverture des maisons des habitans de la campagne.

Quoique, dans les pays on le lin vient mal, la cameline pourroit fournir une filasse utile, c’est spécialement pour son produit huileux qu’elle est cultivée, et qu’on peut se flatter d’en retirer un grand profit ; la matière filamenteuse est si abon-