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tion auroit sans doute diminué leurs préventions contre les futaies sur taillis.

En effet, nous avons observé que les futaies sur taillis aménagés à vingt ans et au dessous ont peu de tige et une large tête. — Que celles des taillis aménagés à vingt cinq ans ont déjà moins de largeur de tête et un peu plus de hauteur de tige.

Enfin, que celles des taillis aménagés à trente-cinq ans et au dessus, ont beaucoup moins de largeur de tête et beaucoup plus de hauteur de tige.

Ces effets sont naturels ; car la force de la végétation des arbres étant limitée par la nature, selon leur essence et la qualité du sol qui les nourrit, tout ce qu’ils gagnent en hauteur de tige, ils doivent le perdre en largeur de tête ; et réciproquement.

Or, les arbres qui ont peu de largeur de tête produisent peu d’ombrage ; et plus leur tige est élevée, moins cet ombrage est préjudiciable au recrû.

Il est vrai qu’il ne croît point de bois sous la largeur de leur tête, et, sous ce rapport, les futaies sur taillis aménagés à longues années font quelque tort à la valeur des taillis ; mais ces réserves augmentent tellement cette valeur, que les propriétaires ont le plus grand intérêt à les conserver. D’ailleurs, il arrive souvent qu’après leur coupe la place qu’elles occupoient est la mieux garnie de jeunes plants, lorsque le nombre de ces réserves n’est pas trop considérable, qu’elles sont coupées à leur maturité, et que les bois sont bien conservés.

Il résulte de cette discussion que Duhamel et Buffon ont attribué aux futaies sur taillis des vices qui n’étoient que l’effet, 1°. d’un aménagement trop rapproché ; 2°. du trop grand nombre d’arbres que l’on réservoit sur les bois soumis à cet aménagement ; 3°. de la surannation de ces arbres.

C’est pour éviter ces inconvéniens, et pour assurer tous les avantages de la bonification des futaies sur la valeur des taillis, que nous avons déterminé leur aménagement sur le temps où leur sève cesse d’avoir de l’activité, et que nous avons restreint la quantité de ces réserves.

§. II. Futaies pleines. Le savant et laborieux Duhamel avoit apperçu le mérite des futaies pleines, et c’étoit par elles qu’il vouloit remplacer les futaies sur taillis ; mais, faute d’une assez grande expérience dans l’exploitation des bois, il n’avoit pu fixer la manière dont on devoit les conduire, pour en retirer ensuite les plus grands produits.

Il croyoït que, pour se procurer les futaies les plus avantageuses, il falloit les planter sur les meilleurs terrains, et les faire couper à trois cents ans.

Mais, lors même que les futaies deviendroient aussi productives que M. Duhamel le suppose, quel est l’homme riche assez désintéressé qui voudra sacrifier ses meilleures terres, pour les planter en bois destinés à devenir futaies pour la jouissance de sa huitième génération ?

Le Gouvernement seul pourroit tenter cette expérience, parce que le Gouvernement ne meurt jamais ; mais il ne possède point de ces meilleures terres, et lors même qu’il en auroit une certaine quantité à sa disposition, voudroit-il se déterminer à une aussi grande dépense extraordinaire ? D’ailleurs, les vieilles futaies abandonnées à la nature ont des vices reconnus par les meilleurs forestiers, par les constructeurs de marine et les architectes.

D’abord, les architectes et les constructeurs de la marine préfèrent unanimement employer dans leurs constructions respectives le chêne crû sur les haies, au chêne crû sur taillis, et ce dernier au chêne de futaies pleines.

En second lieu, les futaies anciennement existantes en France, étoient possédées par trois propriétaires différens,