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pieds ; on la couvre d’un lit composé de terre franche, de terreau de couche consommé, et de sable gras, par égales parties, et bien mélangés ensemble ; ensuite on place un châssis par-dessus, dont les vitraux doivent être distans de la terre d’environ quinze pouces. Lorsque la chaleur de la couche est tombée à environ vingt degrés, on plante les racines de batate, et on les recouvre seulement d’à peu près deux pouces de terre, en les espaçant sur deux lignes, à environ deux pouces de distance les unes des autres en tous sens.

Il faut que la terre de la couche soit plus sèche qu’humide pour faire cette plantation, et choisir, autant qu’il est possible, un beau jour : on recouvrira ensuite ces châssis de leurs vitraux. Les racines ne doivent être arrosées que lorsqu’on s’aperçoit qu’elles commencent à pousser, et très-également dans les premiers temps. Toutes les fois que le soleil se montrera sur l’horizon, et que la chaleur se trouvera être sous le châssis au dessous de douze degrés, on donnera de l’air en soulevant les châssis ; mais il faut avoir soin de les fermer, et même de les couvrir de paillassons, pendant la nuit, pour conserver les douze ou quinze degrés de chaleur qui sont nécessaires à la végétation de cette plante : quelques réchauds à la couche sont quelquefois nécessaires pour entretenir cette température. Les racines de batate étant ainsi cultivées, ne tardent point à pousser leurs tiges ; elles s’allongent de quatre à six pouces, dans l’espace d’un mois, et, vers la mi-mai, on doit s’occuper de les marcotter. Cette opération est simple : elle consiste à courber les branches et à les fixer avec des petits morceaux de bois, à environ trois pouces en terre, et à la distance de huit pouces de leur souche : bientôt elles reprennent racine, et forment de nouvelles branches qui couvrent toute la surface du châssis ; lorsque la chaleur de l’été est déterminée, et que les nuits sont devenues chaudes, on peut retirer les vitraux de dessus les châssis, et laisser les plantes en plein air ; il convient alors de les arroser à la volée, matin et soir, et abondamment.

À l’époque où les marcottes sont reprises, il convient de les sevrer de leurs mères, en coupant avec la serpette l’intervalle de la branche qui se trouve entre la touffe principale et la nouvelle touffe formée par la branche qui a été marcottée. On pince à trois ou quatre yeux hors de terre la marcotte, pour l’obliger à former des branches ; et lorsque ces branches ont poussé d’à peu près six pouces de long, on les arrête par leur extrémité ; ensuite on bute ces branches dans les deux tiers de leur hauteur avec de la terre semblable à celle qui recouvre la couche, et on répète cette opération autant de fois que les branches s’allongent de six pouces, jusqu’au commencement de septembre ; passé cette époque, on doit laisser croître les plantes en liberté, les arroser souvent, et les garantir de la fraîcheur des nuits. Tant qu’il ne surviendra pas de gelées, les racines de batate profiteront et augmenteront de volume ; mais, sitôt que le froid se fera sentir, il convient de faire la récolte des racines ; alors on les lèvera avec une fourche, et on les déposera dans un lieu à l’abri du froid, et, quatre ou cinq jours après, on les séparera de leurs filets.

Par ce procédé de culture, Monsieur Thouin a obtenu quelques tubercules de cinq pouces de long sur trois de diamètre, et un très-grand nombre de plus petits, lesquels se sont trouvés de fort bonne qualité. Louis XV, qui en mangeoit avec plaisir, les fit cultiver aussi dans ses jardins, pendant plusieurs années.

Batate en pleine terre. Tous les temps sont bons, dans nos colonies, pour planter