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de batates cultivées à In Guadeloupe, Debadier a donné la préférence à celle que l’on nomme batate debout, attendu qu’elle touffe et ne couvre pas le terrain comme les autres espèces ou variétés, ce qui la rend infiniment précieuse ; elle a en outre l’avantage de pouvoir être plantée entre les rangs des cotonniers, des cannes à sucre, bananiers, et autres plantes, sans nuire à leur végétation, tandis que d’autres, espèces ne peuvent croître concurremment avec d’autres plantes, attendu qu’elles poussent beaucoup de tiges rampantes, très-chargées de feuilles qui prennent racine, occupent une très-grande surface de terrain, et étouffent toutes les plantes qu’elles peuvent recouvrir.

On connoit à Madagascar deux espèces de batates, dont l’une, qui est la plus répandue, a des feuilles lustrées, tandis que l’autre en porte d’approchantes de celles de la vigne ; la première est généralement cultivée à Foulpointe. Bruguières, ce botaniste que la mort a enlevé au milieu de ses voyages, nous a assuré avoir trouvé la seconde plus commune à la baie d’Antongil. Cette dernière y a même formé une variété remarquable par la grosseur de ses racines ; sa saveur est plus sucrée ; sa couleur est orangée dans l’intérieur comme au dehors. Cette variété est désignée sous le nom de gambare, et réservée pour l’usage des gens riches ; il n’est pas rare d’en voir du poids de six livres. La batate est donc, comme la pomme de terre, susceptible d’un grand nombre d’espèces ou ne variétés, qui ne feront même qu’augmenter, à mesure que la plante éprouvera de d’extension dans la culture. On en compte déjà, dans la Guiane française, quinze au moins ; mais, comme l’observe judicieusement le conseiller d’état Moreau-de-Saint-Méry, dans un Mémoire qu’il a communiqué à l’ancienne Société d’Agriculture de Paris, et qui est inséré dans le Recueil de cette compagnie, trimestre d’hiver de 1789, il faut se garder d’une erreur où conduiroit naturellement la nomenclature sur ce point dans les colonies, parce qu’à Saint-Domingue, par exemple, la même espèce de batate reçoit jusqu’à six noms différens, dans l’étendue de la partie française de cette île.

Il paroît que ces variétés de batates se sont conservées en Espagne, où elles ont été toutes transportées dans les parties du royaume où on la cultive. On ne les connoît que par grandes, moyennes et petites batates, d’autant plus estimées, qu’elles ont plus de volume, et que leurs tiges sont plus frêles et plus déliées.

Culture. Nulle part la batate, telle que nous la connoissons, ne croit sans culture ; abandonnée à elle-même, elle ne pousseroit que des branches et des racines fibreuses ; il faut donc, pour avoir des tubercules en quantité, et un peu volumineux, lui donner toutes les façons que la plante exige pendant qu’elle croît et mûrit. On a deux objets en vue, la récolte des racines pour la nourriture des hommes, et celle du fourrage pour les bestiaux. C’est même pour cette destination particulière qu’on en couvre des champs d’une certaine étendue dans toutes les parties de l’ouest de Saint-Domingue. Nous allons indiquer deux méthodes de cultiver la batate. La première, qui consiste à planter sur couches les tubercules, est celle que pratique notre estimable collègue Thouin, membre de l’Institut et professeur de botanique an Jardin des Plantes ; elle pourra guider ceux qui voudroient essayer de faire quelques tentatives pour acclimate la batate dans les cantons méridionaux qu’ils habitent ; la seconde est celle qu’on suit dans les endroits où la plante est déjà naturalisée ; et, au lieu des racines, ce sont les filets qu’on emploie.

Batate sur couches. Dès la fin de février, on établit une couche de fumier de cheval, mélangé de litière et de fumier court, de l’épaisseur d’environ deux