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toyen Sutières, semble prouver la bonne qualité des racines de l’asphodèle pour la nourriture des bestiaux. Un propriétaire chez lequel il se trouvoit, en Espagne, fit nourrir pendant tout l’hiver une partie de ses bestiaux avec du foin et de la paille, et l’autre partie avec des racines d’asphodèle seulement. Les premiers furent incommodés par l’hiver qui fut humide et très-inconstant, cette année, tandis que les autres le supportèrent parfaitement, et engraissèrent pour la plupart. Suivant le même auteur, les racines asphodèle se récoltent vers la fin de brumaire. On les met sous un hangar ou dans un grenier, pour les faire sécher ; on les entasse ensuite comme les autres racines, et on les donne crues ou cuites aux bestiaux.

D’après toutes ces propriétés économiques, il seroit à désirer qu’on multipliât cette plante sur le territoire français. On pourroit y employer les lieux vagues, les terrains sablonneux, les coteaux trop rapides, pour y établir des cultures profitables. Il suffiroit d’en planter quelques pieds à de grandes distances les uns des autres, lesquels, produisant des graines qu’on laisseroit tomber sur place, multiplieroient cette plante, de proche en proche, sur de grandes étendues de terrain. Ces lieux deviendroient des magasins de subsistances auxquels on auroit recours dans les temps calamiteux et de disette. Il est du devoir des administrateurs de préparer cette ressource à leurs concitoyens et à eux-mêmes : les racines alimentaires ont souvent sauvé les peuples granivores des horreurs de la famine.

Les anciens avoient l’habitude de planter l’asphodèle rameuse dans le voisinage des tombeaux, soit afin que ses racines servissent d’aliment aux mânes de leurs ancêtres, comme le croyoit le vulgaire, soit pour orner le champ de leur repos, ou, ce qui est plus probable, pour absorber les miasmes putrides qui s’échappent des corps en décomposition, et rendre à l’air toute sa pureté. Il faut être en garde contre la manie des esprits superficiels qui ridiculisent les pratiques anciennes ; sous une apparence bizarre, elles cachent souvent un but d’utilité de haute importance. Telle étoit celle de consacrer à quelque dieu ou à quelque déesse une forêt, un bois, et jusqu’aux arbres qui se trouvoient sur les montagnes. Placés ainsi sous la protection immédiate de la divinité, nul n’osoit y porter la hache sacrilège. Par ce moyen, les bois étoient religieusement respectés ; les montagnes, préservées de toute dégradation, fixoient les nuages qui, se résolvant en pluie, alimentaient les sources dont les eaux portoient dans les plaines la fertilité, l’abondance et la vie.

Quant à ses usages dans l’ornement des jardins, l’asphodèle rameuse peut être placée, avec avantage, dans les grands parterres, sur la ligne du milieu ; elle est propre à orner les lisières des bosquets ; dans les jardins paysagistes, on peut la placer dans les sites pittoresques, parmi les ruines ; partout elle produira un effet agréable.

Culture. Cette plante croît facilement dans toutes sortes de terrains ; elle préfère cependant celui qui est meuble, profond, de nature substantielle, et situé à l’exposition la plus chaude. Ou la multiplie aisément par ses tubercules, ses drageons et ses graines, et de la même manière que l’asphodèle jaune. (Thouin.)


ASSIETTE, terme d’administration forestière, qui désigne l’endroit d’une forêt destinée à être abattue, suivant les règlemens, pour être vendue dans la même année. Asseoir la vente est l’opération des officiers de l’administration qui indique l’assiette à adjuger. L’assiette