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Toutes ces substances doivent être délayées, et remuées souvent ensemble.

On peut laisser tremper les racines des arbres malades dans ce mélange, pendant deux ou trois jours sans inconvéniens, après quoi on taille jusqu’au vif les branches mortes et languissantes, on rafraîchit les racines, on en supprime tout ce qui est mort ou languissant, enfin, on les plante dans une terre substantielle propre a leur nature ; et, si ce sont des plantes des climats chauds, on les place sur une couche, au degré de chaleur qui leur est convenable ; mais, dans tous les cas, il est bon de les ombrager pendant leur reprise. Quant aux plantes annuelles, comme elles n’ont qu’une existence de courte durée, et que d’ailleurs elles tirent par leurs feuilles la plus grande partie de leur nourriture, les arrosemens qu’on leur donne avec des eaux séléniteuses n’ont pas un grand inconvénient. Presque tous les puits de Paris, qui se trouvent sur la rive gauche de la Seine, ont leurs eaux très-séléniteuses, et les nombreux jardins légumiers, qui sont situés dans cette partie de la ville, ne sont pas arrosés par d’autres eaux. Les légumes ne paraissent pas en souffrir beaucoup ; il est vrai que la grande quantité de fumier et de terreau, dont le sol de ces jardins est presque formé, peut corriger la malfaisance de ces eaux.

Lorsqu’on est réduit à ne pouvoir employer pour les arrosemens d’arbrisseaux étrangers, délicats, que des eaux séléniteuses, on en corrige en partie la malfaisance, eu les laissant exposées à l’air libre dans un bassin au fond duquel on a jeté quelques brouettées de fumier de vache nouveau. En renouvelant ce fumier tous les mois, et en laissant déposer les eaux pendant vingt-quatre heures, exposées au soleil, on parvient à leur enlever une grande partie de leurs mauvaises qualités. Les jardiniers appellent assez communément l’eau séléniteuse, eau crue, attribuant sa qualité malfaisante à sa fraîcheur, qui effectivement est plus considérable que celle de l’eau de rivière ; mais, si elle n’avoit que ce défaut, il seroit aisé de l’en corriger, puisqu’il suffiroit de l’exposer à l’air libre, pour qu’elle en prît la température à quelques degrés inférieurs.

Propriétés des eaux salines. Les eaux qui contiennent des sels en dissolution sont en général plus ou moins nuisibles à la végétation du plus grand nombre des plantes répandues sur la surface de la terre. Il n’est guères que les plantes marines, et celles qui croissent sur les bords de la mer, auxquelles les eaux salées sont nécessaires, qui puissent y vivre, ou en être habituellement arrosées.

Les plantations d’arbres d’espèces vigoureuses et rustiques, qui sont dans le voisinage de la mer, semblent taillées avec un croissant par les eaux salines qui sont enlevées par les vents qui les parcourent. Si, par quelques circonstances particulières, un végétal de terre ferme est baigné par de l’eau de mer, non seulement ses feuilles en sont corrodées, et tombent en peu de temps, mais même ses tiges en sont oblitérées ; et, après avoir langui pendant quelques mois, il finit par mourir. Dans les embarquemens de végétaux, il faut non seulement arroser les plantes avec de l’eau douce, mais même il convient de prendre beaucoup de précautions, pour que l’eau de mer ne tombe sur aucune de leurs parties lorsque, par le gros temps, l’eau de mer s’est introduite dans l’intérieur du bâtiment, et qu’elle a baigné quelques parties des végétaux, il faut sur-le-champ les laver dans l’eau douce avec une éponge, et employer tous les moyens possibles, pour dissoudre et enlever toutes les particules salines qui pourroient être attachées aux plantes.