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pas à y exercer toute son industrie : ces petites fermes y sont donc le partage des laboureurs ignorans ou de mauvaise conduite.

L’assolement, prescrit par les baux de ces grandes exploitations, est d’en cultiver annuellement un tiers en blés, un tiers en avoines, ou autres menus grains, et un tiers en jachères ; et, en général, cet assolement est le même dans la moyenne culture. Mais, bien que cet assolement soit une clause de rigueur dans les baux de ces exploitations, les propriétaires tiennent peu à cette disposition, sur-tout dans les pays de grande culture, où le défaut de prairies naturelles oblige souvent les fermiers de cultiver des prairies artificielles et des plantes légumineuses pour la nourriture de leurs bestiaux. Ils en réclament seulement l’exécution dans les dernières années du bail, lorsqu’ils doivent changer de fermiers, afin d’empêcher l’effritement des terres.

Les fermiers de grande culture partagent donc leurs terres en quatre parties à peu près égales, c’est-à-dire que, d’après la connoissance qu’ils ont de la qualité de leurs terres, ils les partagent en soles, de manière que, chaque année, ils puissent récolter à peu près la même quantité de blés, de menus grains et de fourrages. Une partie de ces terres reste en jachères pour être ensemencée en blés l’année suivante, la seconde est en fourrages, la troisième en blés, et la quatrième en menus grains.

Ainsi, supposons une ferme de huit charrues, ou de six cents arpens : ses terres seront divisées, comme nous venons de le dire, en sorte que le quart seulement de leur étendue sera en jachères, et les trois quarts seront toujours en rapport. Dans cette hypothèse, sa récolte annuelle sera, savoir, 1°. en blés, sur cent cinquante arpens, (à quatre cents gerbes, récolte moyenne, par arpent) de soixante mille gerbes de quarante-deux pouces de tour, qui, à trois setiers, produit moyen par cent de gerbes, donneront dix-huit cents setiers de blé. C’est douze pour un[1].

2°. En avoine, sur cent cinquante arpens, (à quatre cents gerbes l’arpent) de soixante mille gerbes qui, à vingt-cinq minots par cent de gerbes, donneront quinze mille minois d’avoine.

3°. Un excédant de fourrages qui sera plus ou moins considérable, suivant la faveur des saisons, et la quantité de bestiaux nécessaires à l’exploitation.

Cette rotation de récoltes éprouve quelquefois des changemens qui sont commandés par l’intérêt du fermier. Si les blés sont à vil prix, et les fourrages chers, il cultivera plus de fourrages et moins de blés. Si, au contraire, les blés sont très-chers, il cultivera moins de fourrages et plus de blés. C’est ainsi qu’il varie son assolement suivant les circonstances.

C’est donc à tort que l’on confond trop souvent les fermiers de grande culture avec ceux de la moyenne et de la petite culture, dont la plupart méritent les reproches d’ignorance et de routine que l’on fait à tous.

Si ceux, qui se sont permis ces reproches, avoient suivi, comme nous, les travaux de la grande culture française,

  1. Ce produit de douze pour un en blé, dans les pays de grande culture, est choisi dans un canton où les terres sont très-bonnes et très-bien cultivées. Mais, d’après les recherches que nous avons faites dans plusieurs cantons de grande culture, nous sommes fondés à croire que notre grande culture est parvenue à faire produire ans terres de neuf à dix pour un. C’est donc avec peine que nous voyons des auteurs très-estimables s’appuyer des recherches de la fin du dix-septième siècle, pour avancer que le produit des terres de la grande culture française n’est que de trois et demi pour un.